Interview – Camera Obscura /fr/ A blog/magazine dedicated to photography and contemporary art Sat, 03 Dec 2016 22:24:49 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Inteview avec Jorge Amat par Jean Streff /fr/2013/jorge-amat/ /fr/2013/jorge-amat/#respond Sat, 05 Oct 2013 12:00:55 +0000 /?p=8475 Related posts:
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Photo de Jorge Amat (15)
© Jorge Amat
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Photographies de Jorge Amat, texte de Jorge Amat et Jean Streff.

 

Jean Streff : Est-ce que tu me peux parler de tes premières photos?
Qu’est ce que tu montrais?

Jorge Amat : Ce qui m’a toujours plu, c’est de mettre en scène des idées, des situations par rapport à des objets, des lieux… Par exemple une des premières photos intéressantes que j’ai faite dans mon premier studio rue Ferdinand Duval est venu d’un morceau de tronc d’arbre qui m’a fait penser à un billot. Après, aux puces de Montreuil, j’ai trouvé une hache. Donc, avec ces deux éléments, j’ai fait une mise en scène avec un acteur qui coupait la tête de Marie Antoinette, nue, la tête posée sur le billot et ses robes éparpillées sur le sol…

Photo de Jorge Amat (14)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu avais déshabillé Marie Antoinette!

Jorge Amat : Il faut être honnête : le voyeurisme à travers l’appareil photo ou la caméra a toujours été pour moi un moment très fort sous le couvert de l’art… mais après la trace photographique garde une empreinte des vibrations du modèle, comme dans un état de transe.

Un autre jour, je trouve dans le Marais une grande boite d’emballage en bois qui ressemblait à si méprendre à une cage. Je l’ai emporté dans l’atelier et j’y ai mis une fille, puis deux filles, puis trois filles et un garçon, puis six personnes, toutes nues… Ils devaient s’acrocher aux barreaux, dans ma tête, pendant que je les photographiais, ils étaient comme des prisonniers du Marquis de Sade ou comme des singes au zoo… C’était l’époque du « Living Theatre » et je me voyais entre Julien Beck et Andy Warol… Souvent mon moteur passe à travers des objets, des lieux.

Photo de Jorge Amat (13)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu as un rapport très personnel aux objets que tu trouves dans la rue et que tu appelles tes « orphelins ».

Jorge Amat : Il m’est en effet très difficile de voir un objet abandonné, souvent détérioré, abandonné sur le trottoir et de ne pas le rapporter dans mon atelier. Je le considère comme un orphelin que je sauve et auquel je donne une autre vie. Je le répare et le mets dans une photo… ou le donne à un copain. Dado, qui fut un très grand ami, avait cette même démarche. Il pensait comme moi que les objets ont une âme, c’est pourquoi il en collait dans ses peintures ou peignait des visages sur des fauteuils qu’il récupérait, l’âme de ses ex-propriétaires.

Photo de Jorge Amat (12)
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Jean Streff : Une pensée animiste, en quelque sorte. Tu crois beaucoup à tout ce qui ressort de la métempsychose, de la divination, enfin à toutes ces choses qui nous lient au surnaturel. D’ailleurs, tu lis dans le marc de café.

Jorge Amat (riant) : Oui… A ce propos, j’ai une anecdote étonnante avec Dado. Un jour, je trouve un chat mort, momifié toutes griffes dehors, dans les maisons qui ont été démolies dans les Halles pour construire Beaubourg. Je l’ai ramené chez moi, mais, comme ma femme était térrifiée, je l’ai offert à Dado. Une dizaine d’années plus tard, il l’a integré dans un grand tableau qui se trouve aujourd’hui à Beaubourg. Donc le chat est retourné sur son lieu de mort, la scène du crime !

Photo de Jorge Amat (11)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Revenons à ces photos inspirées au départ par des objets trouvés.

Jorge Amat : En fait, cela a fonctionné pendant quelques années, puis j’ai pris conscience que je rêvais des images, des situations qui m’obsédaient, nuit après nuit, dans le même espace, jusqu’au moment où j’en faisais une photo. Par exemple, pendant longtemps j’ai rêvé d’une grande fille nue avec des énormes escargots de Bourgogne qui évoluaient sur son corps, ses seins, sa chatte…c’était devenue comme un tableau de Dali ou plutôt une scène non filmé du Chien andalou de Bunuel… Jusqu’au jour où une fille a accepté d’interpréter cette fantaisie, et là j’ai filmé et photographié la cavalcade fantastique des gastéropodes, obsédés sexuels, sur son corps nu… C’était presque une scène de cannibalisme, j’en ai encore la chair de poule. Après je n’ai plus jamais rêvé de cette scène. Les rêves m’ont toujours obsédés, moins dernièrement, peut-être parce que je crée trop d’images…

Photo de Jorge Amat (10)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Pour ton livre avec Jacques Henric, “Obsession nocturne”, qui a obtenu le prix Sade du livre d’art en 2006, tu t’es aussi inspiré de tes rêves.

Jorge Amat : Exact. En fait, avant qu’elles ne soient publiées, ces photos fantasmatiques faisaient parti de mon jardin secret. Elles n’étaient pas faites pour être exposées ni pour être montrées. A l’époque j’exposais des photos, disons plus sérieuses, avec des décors, des costumes inspirés de l’univers de Kafka. J’avais fabriqué une énorme machine avec un bras articulé qui ressemblait à la machine infernale de La colonie pénitencière. Et j’avais un ami tatoué, qui avait une tête d’assassin, donc cela était parfait dans le monde de Kafka. Mais voilà qu’un jour Jacques Henric, avec qui je faisais des échanges de photos érotiques, voit ma boite avec des photos que je cachais plus ou moins à l’époque. Il me dit : « Mais c’est beaucoup plus intéressant que ce que tu montres habituellement ».

Photo de Jorge Amat (9)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Et c’est comme ça que le livre est né.

Jorge Amat : Oui, car ces photos secrètes ont inspiré Jacques Henric pour écrire un magnifique texte de cent pages. Presque un petit roman autobiographique.

C’était un énorme cadeau qu’il me faisait car, avec son nom, je n’ai eu aucun problème pour trouver un éditeur.

Photo de Jorge Amat (8)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu parles de mises en scène dans tes photos, mais tu ne dis pas que tu es aussi metteur en scène de cinéma ? Comment t’ait venue cette envie d’articuler le réel à travers la fiction?

Jorge Amat : Oh, c’était vers les 14 ans, quand j’ai vu Las hurdes et Le chien andalou de Buñuel. Et là je me suis dit : « Si on peut faire ça, je veux être metteur en scène !» Jusqu’àlors je n’avais vu que des films de cape et d’épée… ou des comédies avec Bourvil… mélangés avec quelques films d’Eisenstein… mais cela ne m’intéressait pas du tout… en échange, avec Le chien andalou, j’ai compris que l’on pouvait mettre tout ses fantasmes dans un film et parvenir à faire un art si fort que je me suis dit : oui, cela est pour moi.

Photo de Jorge Amat (7)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu es très influencé par les surréalistes. Tes premiers films sont assez proches de cet univers, non ?

Jorge Amat : Je pense qu’il y a pour chaque artiste un fond commun… qui s’appelle l’inconscient collectif dans lequel chacun puise ce qui lui correspond. Il ne faut pas oublier que je suis espagnol, que ma mère est peintre et que Goya, Buñuel et Dali font parti de ce fond commun. D’ailleurs j’étais très content quand 20/30 ans plus tard j’ai lu que Bunuel, dans son livre de mémoire, Mon dernier soupir, écrit que la plupart de ses films sont nés de ses rêves… Je me suis dit : je ne suis pas fou, je ne suis pas le seul pour qui les images sont dictées par les rêves. Il y a donc une fraternité d’idée. J’aime me retrouver dans ce monde-là. Ce n’est pas la réalité quotidienne, c’est un monde parallèle qui devient réel et matière grâce au cinéma, à la photo, à la peinture, et ce monde se trouve en effet plutôt dans l’univers surréaliste.

Photo de Jorge Amat (6)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Dans ta dernière série de photos, on a également l’impression de se retrouver dans des rêves.

Jorge Amat : Depuis longtemps je photographie des lieux, des espaces : ruines, appartements bizarres, qui dégagent un je ne sais quoi d’étrange qui me plait, mais où je n’arrivais pas à mettre mon grain de sel … J’ai donc accumulé ces images, qui forment maintenant une véritable photothèque. Et puis j’en ai fait d’autres, spécialement pour cette nouvelle série que j’appelle pour l’instant : « paysages imaginaires »… je ne sais pas encore… En fait, il s’agit du dédoublement de l’espace dans une fraction de seconde…C’est nouveau, mais, quand j’y pense, j’avais déjà commencé cela dans ma première série de photos rue Mazarine dans les année 80, avec une série de dédoublement d’un visage avec une tête d’animal correspondant au signe astrologique chinois du modèle. Le résultat était un monstre à deux têtes. Et cela, à la chambre, en surimpression directe. Maintenant, grâce à Photoshop, je peux retravailler la photo après la prise de vue. Je travaille sur deux espaces, l’un actuel, riche ou pauvre, un paysage moderne, présent, comme toute une série de photos que j’ai faite de l’intérieur de l’hôtel Crillon avant que cet intérieur ne soit démoli. Par la suite, j’ai fait des images de ce que pourrait devenir le Crillon après une guerre atomique. J’ai photographié des bâtiments en démolition ou des maisons totalement pourries en Dordogne et dans le Luberon… qui restent des espaces vides d’humains mais remplies de leur passé. Il faut être conscient que toute notre civilisation, nos immeubles dans des milliers d’années vont finir en ruine. Je préfère qu’il reste des objets, des meubles, des traces d’une vie antérieure des anciens occupants. Avec cela je construis des dualités, de temps en temps j’ajoute des personnages, des objets, je dénature les visages les transformant en mannequins… La dualité de ces espaces est lié à la coupure : présent/passé, doux/âpre, chaud/froid, guerre/paix, vivant/mort, voyant/aveugle, etc.

A l’intérieur, j’introduis des personnages pris dans la rue ou je les mets dans des cadres, comme les photos de ma grand-mère qui était chanteuse et danseuse de zarzuela, une sorte d’opérette, à Madrid.

Photo de Jorge Amat (5)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Il y aussi un côté très cinématograpique dans cette nouvelle série.

Jorge Amat : Le cinéma s’introduit aussi directement dans certaines photos, comme celle intitulée : « Hommage à Ava Gardner dans Pandora ». Quand j’ai fait une photo de nuit dans le port de Bonifacio, cela m’a fait immédiatement penser au vaisseau fantôme de la légende du « Hollandais volant », et puis, de retour dans mon atelier, cette photo seule ne me satisfaisait pas, alors j’ai pensé à Ava Gardner, la danseuse du film, la femme qui joue avec le feu, et puis sur la droite dans le noir du paysage, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie de mettre deux cailloux ligaturés.

Photo de Jorge Amat (4)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu peux m’expliquer pourquoi tu as mis ces deux cailloux?

Jorge Amat : Je n’essaye pas de comprendre… c’est venu comme ça! C’est peut-être l’âme d’Ava Gardner, star qui a toujours été malheureuse en amour.

Jean Streff : On pourrait tenter de faire une analyse psychanalytique…

Jorge Amat : On pourrait l’analyser, oui. Moi je ne sais pas… c’est une envie…

Photo de Jorge Amat (3)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tout cela est très lié avec ta façon de travailler, de faire fonctionner ton inconscient… presque comme une écriture automatique.

Jorge Amat : Dans ce cas-là, c’est une envie de cailloux, une fonction presque esthétique…

Jean Streff : Oui, mais ce n’est pas n’importe quels cailloux, ils sont ligotés…

Jorge Amat : Oui, tu as raison, c’est le désir ligoté.

Jean Streff : Tu as parlé de photoshop, est-ce que la technique t’a influencé pour ce nouveau travail ?

Jorge Amat : Non, je ne pense pas. Il y a un an je me suis dis qu’il fallait que j’arrive a sortir du coté obsessionnel du nu, tout cela me reliait au monde de mes nuits, de mes rêves, du non-dit… Plus cela devenait public, moins cela me parlait. En fait, je me suis aperçu que c’était surtout le coté caché de ces photos qui me donnait aussi envie de les faire.

Photo de Jorge Amat (2)
© Jorge Amat
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Jean Streff : Tu n’as jamais fais d’analyse ?

Jorge Amat : Non, je n’ai jamais été chez un psy… et je n’en ai pas envie. J’aurais peur d’y perdre mon imaginaire. Et puis je ne souffre pas, au contraire, alors…

Jean Streff : Peur de perdre ton imaginaire ? C’est lié à ta créativité personnel, le fait d’être obsédé par des images et libéré quand tu les fais.

Jorge Amat : Bien sûr tout cela est lié. En fait moins ma pensée réfléchie intervient, plus mon inconscient se manifeste, plus les photos me paraissent intéressantes.

Photo de Jorge Amat (1)
© Jorge Amat
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Interview avec Yuan Yanwu /fr/2011/interview-yuan-yanwu/ /fr/2011/interview-yuan-yanwu/#respond Fri, 03 Jun 2011 19:14:09 +0000 /?p=4474 Related posts:
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Yuan Yanwu (4)
13 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Interview de Yuan Yanwu 袁燕舞 par Yuhui Liao.

 

Yuhui Liao: Qu’est ce que « la photographie » pour vous ?

Yuan Yanwu: Entre le moment où j’ai commencé à m’intéresser à la photographie, (au début de ma formation de journaliste), et maintenant que je suis artiste, le sens que je donne au mot « photographie » a évolué et je ne suis plus tout à fait sûre de ce qu’il signifie. Je ne sais pas vraiment si je peux encore me considérer comme une « photographe », parce que depuis deux ans l’« appareil photo » n’est plus une condition nécessaire à la création de mes œuvres. Ce qui est important dans la « photographie » ce sont les clichés qui sont à la source de la création (il n’est même pas nécessaire que ce soit moi qui les ai pris). Par exemple, avant j’utilisais un appareil photo numérique pour reproduire sur ordinateur les vieilles photos qu’il y avait chez moi, maintenant je les numérise directement sur un ordinateur et je fais la post-production sur l’écran. Dans Autoportraits de jeunesse (partie 1), ma première exposition, qui s’est tenue à Paris, la post-production était entièrement basée sur les photos, c’est à dire j’associais photo et post-production sans que l’un domine l’autre ; mais dans mes projets actuels, j’ai presque uniquement utilisé l’outil « Pinceau » de Photoshop, qui a pris le pas sur la photographie elle-même. J’ai l’habitude de créer plusieurs calques sur la photo originaire, et de la recopier pour qu’elle ressemble à un tableau (en un mot, cette méthode est similaire à la méthode dite de “traçage à l’encre noire sur les caractères imprimés en rouge” que l’on utilise pour apprendre la calligraphie chinoise). Lorsque ce travail est terminé, je supprime la couche photo originale, ainsi l’image finale semble avoir été totalement peinte à la main, et il n’y a plus aucune trace de la photographie. Je ne sais pas exactement comment définir ce travail : même si je retire le processus « photographique » de ma pratique artistique, puisque l’œuvre est la réplique artistique d’une photographie originale, elle est forcément liée à la « photographie ».

Yuan Yanwu (1)
16 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Yuan Yanwu: Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Yuan Yanwu: Je suis née en Février 1976 dans la ville Yansi, qui est l’actuelle ville de Huangshan dans le comté de Huizhou, dans la province de l’Anhui. Il y a un village nommé Xixinan à 10 km de Yansi, c’est le lieu de tous mes souvenirs d’enfance, d’ailleurs ma grand-mère y vit toujours. A huit ans, j’ai déménagé à Shanghai pour vivre avec les parents de ma mère. Entre 1994 et 1998 j’ai étudié le journalisme et la communication à l’Université de Nanjing, puis après avoir obtenu mon diplôme j’ai travaillé dans le département photographie du journal Xinmin Evening à Shanghai. Cinq ans plus tard, en 2003, j’ai quitté mon travail et je suis venue étudier en France. Au début, j’ai étudié à Institut Français de Presse de l’Université Panthéon-Assas, puis dans le département photographie de l’Université de Paris VIII. Maintenant, je vis et travaille à Paris. Le contraste entre mes souvenirs d’enfance dans mon village et la vie en ville après mes huit ans, l’histoire de ma famille, le fait d’avoir vécu dans les cultures occidentale et orientale – tous ces facteurs ont une immense influence sur mon travail.

Yuan Yanwu (7)
2 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Quel est votre parcours de photographe ?

Yuan Yanwu: Quand j’étais étudiante en journalisme à l’Université de Nanjing, nous avions un cours sur le photojournalisme; à cette époque, internet n’était pas aussi populaire qu’aujourd’hui, et c’est par des livres que j’ai été attirée : venus d’occident, ils évoquaient les différentes grandes figures de la photographie. Tout à coup j’ai compris que la photographie est plus réelle et plus persuasive que les mots. C’est pourquoi j’ai décidé d’être rédactrice photographe dans les journaux après avoir obtenu mon diplôme. Avant d’y arriver, j’ai aussi fait des interviews sur le thème de la photographie : c’était ma première véritable rencontre avec le monde de la photographie. Peu à peu, j’ai réalisé que le photojournalisme ne suffisait pas à satisfaire mon désir d’expression de soi; à cette époque je voulais étudier à l’étranger pour découvrir le monde, c’est ainsi que j’ai choisi la France, la terre de naissance de la photographie. Lorsque j’ai étudié à l’Université de Paris VIII, j’ai étudié l’histoire, les théories et l’esthétique de la photographie occidentale, tout en suivant également des cours pratiques. Tous ces enseignements ont changé ma compréhension de la photographie. Comme sûrement beaucoup d’autres étudiants à cette époque, mes œuvres ont été profondément influencées par le style documentaire de l’École de Dusselfolf (par exemple, j’aime énormément les portraits de Thomas Struth). Les techniques très strictes de cette école (photo de face, certaine distance avec le sujet, neutralité, ne pas véhiculer d’émotion) étaient à l’exact opposé de ce que j’avais fait jusque-là.

Yuan Yanwu (9)
Food (Jing)
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Puis j’ai progressivement compris que ce qu’ils appelaient « neutralité » et « objectivité » n’était au fond qu’un moyen d’expression comme un autre. Pour citer le point de vue du livre Style documentaire, le « documentaire » est un simple style, et non pas la véritable représentation de la réalité ; et le photographe peut tout à fait obtenir le style qu’il désire en ayant recours à une chambre noire et à la post-production. Peu à peu, j’ai changé ma façon de faire de la photographie, en préférant me focaliser sur la post-production plutôt que sur la prise de vue. L’œuvre que j’ai présenté pour obtenir ma licence est intitulée Nourriture : elle est composée de plus de dix diptyques. Sur la droite il y a des portraits de diverses personnes, et sur la gauche un plat préparé par chacune d’elles. On retrouve l’influence de la photographie documentaire dans cette œuvre. Parallèlement à cette tendance, j’avais commencé à faire des reproductions de photographies en utilisant la post-production. Par exemple, je simplifiais l’arrière-plan d’un portrait, je réglais la couleur pour la rendre à la fois plus équilibrée, plus spectaculaire et plus légère. Après avoir subi plusieurs processus de « reproduction », la nourriture est visuellement très nette et lumineuse. Cette œuvre représente la nécessité qui lie l’homme à son alimentation, en les mettant l’un en face de l’autre et en montrant des assiettes aussi grandes que des hommes. Suite à cela, la post-production a occupé une place toujours plus importante dans mes œuvres.

Yuan Yanwu (10)
Elsewhere Yan
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Dans Elswhere, j’ai changé l’aménagement de l’espace dans lequel j’ai photographié mes modèles, en fonction de mon imagination, et j’ai également beaucoup retouché ces personnages. Dans Double bind, j’ai créé les jumeaux virtuels de mes modèles. Tout cela montre l’importance de plus en plus grande de la post-production dans mon travail. Pour Autoportraits de jeunesse (partie 1), les sept portraits pris dans mon enfance étaient des vieilles photos que j’ai retrouvées chez ma grand-mère de Shanghai et chez mes parents : à l’origine, ce n’étaient pas des portraits, mais des photos de famille. Je peux dire que depuis cette série, j’explore de nouvelles directions artistiques: la mémoire, le temps, la réalité, l’imagination, la vérité, la fiction, la proximité, la distance …. Pour moi, ce qui est « photographique » relève de la réalité, tout en la dépassant. La photographie est proche de l’imagination et de la fiction.

Yuan Yanwu (12)
Double bind
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Ce qui est assez intéressant, c’est qu’après avoir étudié la photographie, j’ai commencé à chercher mon inspiration dans la peinture moderne. Le thème de ma mémoire de master était la peinture photographique : «peinture photographique: de la figuration à la transfiguration». Ma recherche ne portait pas sur des photographes mais sur des peintres, et plus précisément sur ces peintres qui utilisent des photos comme des «modèles». On peut trouver des peintres de cette école en remontant au Pop Art américain des années 50 et 60, avec le photoréalisme en tête de file (la peinture réaliste des premiers peintres chinois qui ont étudié aux États Unis, tels que Chen Yifei ou Chen Danqing, est en quelque sorte liée à cette école). Ensuite on pourrait évoquer le peintre européen Gérard Richter, ainsi que de nombreux peintres modernes dont les modèles sont des images trouvées sur internet, dans les magazines ou à la télévision. Il est vrai que ces dix dernières années, la peinture figurative a trouvé dans la photographie et les nouvelles technologies une nouvelle source d’inspiration et un nouveau dynamisme. Quand je suis arrivée en France en 2003, j’ai visité l’exposition sur le photoréalisme américain du Musée d’Art Contemporain de Strasbourg, qui m’a beaucoup touchée. A cette époque, je n’étais pas vraiment familière de ce type d’art, et je ne me doutais pas que mon travail serait autant marqué par cette rencontre. L’exposition de David Hokney à la National Portrait Gallery de Londres m’a également beaucoup impressionnée. J’aime particulièrement la couleur et la légèreté de ses œuvres, ainsi que les thèmes qu’elles abordent – portraits de sa famille et de ses amis, scènes de vie ordinaire… il y a une longue liste d’artistes qui m’ont influencée. Quand je voyage en Europe ou ailleurs, c’est un peu une de mes tâches routinières d’aller visiter les galeries et les musées.

Quand j’étais en Chine, je me limitais au journalisme ; c’est après mon arrivée en France que je me suis vraiment lancée dans la photographie artistique. Cette expérience est très intéressante pour moi car elle me permet de porter un regard distancié sur l’art chinois.

Yuan Yanwu (3)
14 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: J’ai l’impression que de plus en plus de jeunes ont des formations hétérogènes et, en conséquence, leur carrière professionnelle commence plus tard, ce qui entraîne un impact profond sur leur vie. Il me semble que cela est symptomatique d’une tendance dans tous les pays capitalistes, tendance qui peut avoir des implications sociales importantes. Quel est votre point de vue sur cette question?

Yuan Yanwu: A mon avis, si quelqu’un se lance dans une carrière très vite, c’est essentiellement dû à sa personnalité et à ses expériences personnelles. Certaines personnes sont assez matures pour décider de leur avenir professionnel très jeunes, et s’ils réussissent du premier coup, alors leur carrière commencera tôt. Mais d’autres ne parviennent à distinguer ce qu’elles veulent faire que beaucoup plus tard. Dans tous les cas, je pense que ce qui importe c’est de se donner les moyens d’atteindre son but, en faisant preuve d’une certaine obstination. Même s’il n ‘y a qu’une seule chose que l’on arrive à faire parfaitement, c’est déjà en soi extrêmement positif. Je crois que cette tendance que vous avez évoquée est courante dans les pays capitalistes, mais aussi dans les pays socialistes actuels, tels que la Chine. Énormément de possibilités s’ouvrent aux jeunes d’aujourd’hui, et la matière qu’ils étudient à l’université ne doit pas pour autant être obligatoirement le domaine dans lequel ils travailleront pendant toute leur vie.

Yuan Yanwu (6)
5 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Yuan Yanwu: Je travaille très lentement, d’une part parce que je suis naturellement quelqu’un qui ne se presse pas, d’autre part parce que je suis perfectionniste. S’il n’y a pas de date limite à la création d’une œuvre, je pourrais très bien être incapable de la terminer. Je ne suis pas sûre de savoir comment mes œuvres devraient être classés. Du point de vue visuel, elles sont plutôt proches du photoréalisme (à la différence près que j’utilise l’ordinateur et non pas la peinture). Il y a aussi beaucoup de gens qui pensent qu’elles se rattachent au Pop Art. Par leurs thèmes, mes œuvres ont une valeur autobiographique indéniable. Je passe la plupart de mon temps devant l’écran de mon ordinateur, ce qui est une façon de travailler assez fermée sur soi, un peu à la manière des écrivains. Mes sources d’inspiration sont des photos existantes; le plus souvent je choisis des photos d’amateurs : leurs surprenantes imperfections me donnent des idées. Une fois que j’ai re-produites ces photos, ces imperfections deviennent les points marquants de mes œuvres. Ce processus est très fréquent dans la série sur laquelle je travaille en ce moment.

Je pense qu’il est encore un peu tôt pour définir mes œuvres, parce que cela fait à peinLiao-Fane deux ans que je me suis consacrée à l’art. Ce que je présente aujourd’hui n’est que la partie émergée de l’iceberg. Je pense que pour définir les œuvres d’un artiste, il ne suffit pas de voir ses débuts, mais au contraire il faut observer le cours entier de sa vie et de son œuvre. De plus, ce travail de définition est généralement fait par quelqu’un d’autre que l’artiste lui-même.

Yuan Yanwu (2)
15 ans
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Yuhui Liao: Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Yuan Yanwu: Comme je l’ai dit plus tôt, dans mon travail actuel les questions techniques telles que le type d’appareil utilisé passent au second plan; ce qui importe c’est la post-production. Ainsi, c’est l’écran de mon ordinateur, la palette graphique, et le résultat final qui comptent pour moi. Pour parler simplement, la technique que j’utilise le plus souvent consiste à dessiner sur l’écran avec l’outil pinceau de Photoshop, avec des couleurs venant directement de celles de la photo originale. Je peux même choisir les paramètres de la brosse, c’est donc vraiment comme si je peignais, à la différence que la photo permet la duplication des œuvres J’utilise le poste de travail imac qui est spécialisé dans le traitement graphique, avec un très grand écran (je suis capable d’utiliser l’ordinateur, mais je n’y connais pas grand-chose, et je ne me souviens ni du modèle ni la taille de l’écran), ainsi qu’une tablette graphique Wacom.

Yuhui Liao: Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants, ou est-ce que ce qui compte n’est que le résultat final ?

Yuan Yanwu: Les moyens et les compétences techniques ont bien sûr leur importance, par exemple, sans un écran surdimensionné d’excellente qualité, sans mon stylo graphique, je ne peux absolument pas travailler et je ne serais sans doute pas en mesure de présenter des œuvres de cette qualité. De même, si je n’avais pas l’habitude d’avoir recours depuis longtemps au pinceau de Photoshop, je serais incapable de l’exploiter de cette façon. Certes il s’agit d’un outil virtuel, mais dont les paramètres de vitesse, de poids et de rendu visuel peuvent être modifiés, et qu’il faut donc maîtriser. Au début, je ne pouvais même pas tracer une ligne droite avec le pinceau, alors imaginez reproduire une photo ! Toutefois, au-delà de l’aspect technique, si l’œuvre est imprécise, qu’elle ne véhicule pas de message (c’est-à-dire de contenu), simplement recopier une photo ne rime à rien.

Yuan Yanwu (5)
9 ans
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Qu’est ce qui vous plaît et vous déplaît dans la photographie contemporaine chinoise ?

Yuan Yanwu: J’aime l’audace et le dynamisme de la photographie contemporaine chinoise1, ainsi que son imagination débordante, ses expérimentations techniques, et son énorme potentiel. Mais ce que je n’aime pas, c’est qu’elle est parfois tout à fait utilitaire et commerciale.

Yuhui Liao: Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, autant en ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Yuan Yanwu: Comme je l’ai dit précédemment, mes œuvres sont autobiographiques par nature, et j’espère qu’elles pourront être acceptées par la communauté internationale.
Je pense que les artistes ne sont pas concernés par les nationalités, qui sont restrictives. Peu importe ce qui est exprimé dans leurs œuvres, ils représentent quelque chose de commun à l’humanité toute entière.

Yuan Yanwu (8)
Mère
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Est-il fondamental de vivre dans une très grande ville, ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Yuan Yanwu: Tout d’abord cela dépend du type de carrière photographique dont nous parlons. S’il s’agit d’un type de travail étroitement lié avec un environnement précis, le rôle de la localisation géographique ne peut pas être négligé. Mais s’il s’agit de pure création artLiao-Fanistique, je pense que dans le monde moderne, les artistes peuvent vivre n’importe où sans souci, tant qu’ils peuvent rester en contact avec l’extérieur (via internet, le téléphone mobile, etc.); ils peuvent de toute façon se déplacer en cas de besoin. Je pense que cela pourrait être le mode de vie de la plupart des artistes contemporains.

Yuhui Liao: Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un blog ou un site internet ? Est-ce que il est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment la toile contribue-t-elle à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Yuan Yanwu: Je n’ai pas de blog, je n’ai qu’un site personnel. Je crois que quel que soit le support de notre création, l’accessibilité de son travail sur internet est importante. L’anglais est la langue mondiale, donc je pense qu’elle est suffisante tant que l’on ne s’adresse pas à un public spécifique. À mon avis, Internet joue un rôle clé en facilitant la communication entre le monde de la photographie en Chine et celui de la photographie occidentale. Via internet, les chinois peuvent accéder à un grand nombre d’informations, grâce aux sites officiels des expositions, aux sites de critiques, aux pages personnelles des photographes occidentaux, aux blogs, etc.

Yuhui Liao: Comment décrivez-vous le milieu artistique et photographique en Chine ? Est-ce qu’il y a souvent des expositions, des festivals, des manifestations, etc ? Qu’en est-il de la photographie commerciale ?

Yuan Yanwu: Ces dernières années, en vivant à l’étranger, la plupart des informations que j’ai reçues sur le monde de l’art et la communauté des photographes chinois venaient d’Europe. Cela signifie incontestablement que les artistes chinois attirent de plus en plus l’attention de la communauté internationale. On assiste à un développement rapide de la vie artistique nationale (comprenant notamment des villages de peintres, des camps artistes, etc.) et du marché de l’art (galeries, centres artistiques, etc.). A Pékin il y a Song Zhuang, 798, Caochangdi, à Shanghai il y a le studio d’art de Taixing Road, le campus créatif de Moganshan, la rue Duaolun Road qui regorge d’artistes, les galeries d’art de la zone Bund, ainsi que divers centres d’exposition et des centres artistiques qui sont actuellement en plein essor.

En ce qui concerne le monde de l’art et la communauté d’affaires, ces deux cercles sont inextricablement liés, quel que soit le lieu et l’époque dans lesquels on évolue. L’art ne peut pas se développer sans l’intervention des acheteurs-vendeurs (cela ne veut pas dire dans le sens pur de création, mais au sens du marché), et, de nos jours, il fait de plus en plus partie intégrante de cette communauté.

Je tiens également à ajouter quelque chose, bien que ça n’ait en réalité rien à voir avec le monde de la photographie artistique : les studios de photographie commerciaux (qui réalisent des portraits artistiques, des photographies de mariage) sont un phénomène unique qui n’existe pas vraiment sous cette forme en Occident, et ce pourrait être particulièrement intéressant de les étudier.

Photo de Yuan Yanwu
Elsewhere Yan
© Yuan Yanwu 袁燕舞
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Yuhui Liao: Quels sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ?

Yuan Yanwu: Dans ma bibliothèque il y a L’histoire artistique de la Chine au 20e siècle publié par les Editions de l’Université de Pékin, Noir Blanc Gris, Un parti pris de la Conscience culturelle, publié par les Editions des Beaux-Arts de Hunan.

L’année dernière, quand je suis revenue en Chine, j’ai découverts plusieurs magazines de très bonne qualité, qui sont très utiles pour comprendre l’art contemporain chinois. Par exemple, L’art de la Chine, LEAP, La revue d’art bilingue de l’art contemporain, Art Map, Art Aujourd’hui, Salut Art, etc.
Il y a certainement beaucoup de blogs intéressants, mais je ne suis pas assez au courant pour donner des recommandations.

Yuhui Liao: Pouvez-vous citer quelques noms de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et expliquer pourquoi ?

Yuan Yanwu: Jingshan Lang. Parce que ses œuvres résisteront à l’épreuve du temps.

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Visitez le site de Yuan Yanwu pour avoir plus d’informations.

  1. J’ai besoin de préciser que lorsque je parle de la photographie contemporaine chinoise, je fais surtout référence à la photographie qui peut être considérée comme de la photographie d’art.
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Interview avec Li Wei /fr/2011/interview-li-wei/ /fr/2011/interview-li-wei/#respond Fri, 13 May 2011 12:01:25 +0000 /?p=4445 Related posts:
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Coureur de chameau, 2010
© Li Wei 李伟
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Interview de Li Wei 李伟 par Yuhui Liao.

 

Yuhui Liao : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Li Wei : Photographie c’est simplement « prendre des photos ». Le monde que je connais, le moments que j’ai vécu, les gens que j’ai rencontré. J’enregistre tout ça grâce à la photographie.

Un taureau dans l'herbe, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Li Wei : Je suis né en 1976 à Hohhot, en Mongolie Intérieure. En 2001 je me suis diplômé à l’Université de Communication de Chine, avec spécialisation en ingénierie des communications. Je travaille et vis à Beijing, étant photographe freelance.

Yuhui Liao : Quel est votre histoire de photographe ?

Li Wei : J’ai commencé à m’intéresser à la photographie quand j’étais au collège. Après plusieurs années de travail, j’ai quitté mon job pour devenir photographe freelance.

Un couple dans la salle de billard, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Li Wei : Récemment, j’ai pris une série de photos sur ma ville natale en Mongolie Intérieure, c’est un document des minorités ethniques des zones frontalières.

Yuhui Liao : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Li Wei : J’utilise un appareil photo Mamiya RB67 avec de la pellicule couleur 120. Les portait et les paysages que j’ai pris sont très posés. Je fais très peu d’ajustement après la numérisation du film.

Une famille, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Li Wei : J’attache plus d’importance au message véhiculé par l’œuvre elle-même.

Yuhui Liao : Comment abordez-vous les inconnus ? Est-ce que vous leur demandez l’autorisation avant de les photographier ou vous essayez de les photographier sans vous faire remarquer ?

Li Wei : Avec certaines personnes il m’arrive d’échanger quelque mots avant de prendre les photos, mais parfois je photographie les gens sans rien dire.

Un homme mongole, 2010
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Lorsque vous travaillez en Chine, pensez-vous que le fait d’être chinoise et donc d’avoir une certaine invisibilité par rapport à un photographe étranger est un atout majeur ?

Li Wei : Je ne pense pas que cette invisibilité est importante. Prendre des photos est une activité assez évidente et de nombreux photographes étrangers ont également créé des œuvres excellentes en Chine.

Yuhui Liao : Un grand nombre de photographes se plaignent de la situation actuelle de la photographie documentaire. Pensez-vous que le reportage aujourd’hui traverse une crise majeure et pourquoi ? Quelle pourrait être une possible solution ?

Li Wei : Je n’ai jamais réellement pensé à des questions comme la crise de la photographie documentaire aujourd’hui. Je préfère me concentrer sur mon travail, puisque ces questions ne sont pas du tout à ma porté.

Temple bouddhiste, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Est-ce que vous pensez que la photographie contemporaine chinoise est différente de celle occidentale ? Si oui quelles sont ces différences et comment les expliquait vous ? Est-ce que vous pensez qu’on peut parler d’une « école chinoise » ou la photographie aujourd’hui est globalisée ?

Li Wei : Certainement différent. Je crois qu’il y a des attributs géographiques dans la photographie, tant dans le sujet des photos que dans les différences culturelles des photographes.

Yuhui Liao : Votre point de vue est très intéressante. À ce moment j’ai interviewé au moins une dizaine de photographes et leur LW était plutôt l’inverse : bien que la culture influence la mentalité des gens, la pratique de la photographie en Chine et en Occident est significativement la même. Est-ce que vous pouvez approfondir cet argument aussi important ? Quels sont les profondes différences culturelles que vous mentionnez ?

Li Wei : La fonction de base de la photographie est de refléter la réalité sociale. La photographie contemporaine en Chine certainement montre de nombreuses photographies sur la Chine, ce qui à mon avis diffère de la photographie européenne et de la photographie américaine. En outre, lorsque nous parlons de différences culturelle, l’esthétique orientale préfère l’esprit Zen, donc je pense que l’essence culturelle de nombreux photographes chinois est encore assez « chinoise ».

Meule de foin, 2010
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Comment la photographie chinoise a évolué au cours des dernières années ? Comment décririez vous l’histoire récente de la photographie en Chine ?

Li Wei : Selon ma compréhension de la photographie chinoise moderne, elle a été d’abord utilisé comme un outil de propagande par les médias de masse. Depuis que la Chine nouvelle a été fondé, elle a évolué dans la photographie de paysage, en suite la photographie documentaire, et maintenant elle est de plus en plus individualiste, avec des modalités d’expression très variées.

Yuhui Liao : Qu’est ce que vous plaît et vous déplaît dans la photographie contemporaine chinoise ?

Li Wei : Je n’aime pas nombreuses photographies conceptuelles, je pense que elle sont absurdes.

Yourte mongole, 2010
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Est-ce que vous pouvez être plus précis ? À quoi vous vous referez vous ?

Li Wei : Les photographies exceptionnelles ont un certain pouvoir de pénétration en elles mêmes. Une grande partie de la photographie conceptuelle semble tout à fait dénuée de sens et est très rigide et arbitraire. Sans se référer à l’explication du texte, vous n’aurez pas la moindre idée de quoi il s’agit. Des fois, même après avoir lu l’explication, vous ne savez toujours pas ce qui se passe.

Yuhui Liao : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, autant en ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Li Wei : Je peux seulement parler de moi. J’espère avoir assez de temps et d’énergie pour prendre des bonnes photos.

Sculpture mongole, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Est-il fondamental de vivre dans une très grande ville ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Li Wei : Beijing et Shanghai peuvent certainement favoriser le développement personnel, il y a plus des expositions pour ouvrir ses horizons, plus des activités artistiques. Mais avec la popularité d’Internet, la géographie n’est plus une limite véritable.

Yuhui Liao : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Li Wei : Je pense que c’est très important. Un blog ou un site personnel sont un moyen rapide pour montrer au publique ses œuvres. On peut y obtenir beaucoup d’informations.

Yuhui Liao : Quels sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ?

Li Wei : Livres de Photographie: série documentaire imprimés, livres publiés, HOU Dengke “Maike”, Luo Dan ” Le Nord, Le Sud”, etc. Blog de Photographie: La classe 1416 de Ren Yue.

Nasong dans le salon de thé de Aili, 2008
© Li Wei 李伟
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Yuhui Liao : Quelques noms de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et pourquoi ?

Li Wei : Lü Nan. La photographie comme pratique d’auto amélioration, je peux sentir sa force
intérieure simlement en regardant son travail.

 

Pour plus d’informations et photos, visitez le site de Li Wei.

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Interview avec Xiaomei Chen /fr/2011/interview-chen-xiaomei/ /fr/2011/interview-chen-xiaomei/#respond Tue, 03 May 2011 14:59:34 +0000 /?p=4422 Related posts:
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© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Interview de Xiaomei Chen (陈小枚) par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fab : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Xiaomei Chen : Pour moi, la photographie est d’abord un instrument d’exploration et d’expression. L’appareil photo est mon passeport, il me donne une raison de voyager, d’observer, d’explorer et de comprendre les différentes cultures et lieux géographiques. En vertu de mon boitier, mon horizon est sans cesse élargi. Grâce à mon appareil photo ma perception du monde devient plus tangibles plutôt que d’être abstraite et mes sentiments deviennent plus réels. En outre, ma propre auto-compréhension se précise aussi. Je trouve que, quel que soit le thème sur lequel je travaille -documentaires ou artistiques- chaque fois je suis comme un enfant curieux qui cherche à comprendre le monde et elle-même à travers une sorte d’exploration.

Au même temps, bien que je ne crois plus que les photos peuvent changer le monde, j’espère encore qu’ils peuvent fournir aux gens des informations visuelles et en quelque sorte conduire ces personnes à connaître les problèmes sociaux qui nous entourent, afin qu’ils puissent y réfléchir.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Xiaomei Chen : Mes parents m’ont donné le nom de Chen Xiaomei, mais j’ai moi-même changé un caractère de mon nom avec un autre homophone quand j’étais à l’école primaire. Je suis né à Heyuan, dans la province de Guangdong en Chine en 1974, et j’ai grandi dans un environnement culturel traditionnel hakka. J’habite à Dallas aux États-Unis maintenant. Initialement, j’ai obtenu un diplôme d’enseignement, mais après avoir donné des cours d’anglais dans un collège d’enseignement pendant six ans, je me suis tournée vers le journalisme et j’ai obtenu une maîtrise de journalisme de l’Université de Jinan de Guangzhou. Puis je me suis intéressée à l’anthropologie, par conséquence, en 2004 je suis allé en Amérique et j’ai étudié l’anthropologie à l’Université du Colorado, où en 2006 j’ai obtenu une maîtrise en cette discipline. Dans la même année j’ai renoncé à la bourse de doctorat offerte par l’Université du Wisconsin, et commencé ma carrière en tant que photographe. J’ai obtenu une maîtrise de photographie en 2010. Maintenant, je travaille comme photographe indépendant.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Quel est votre histoire de photographe ?

Xiaomei Chen : J’ai toujours admirée les gens qui travaillent dans les arts. Mon frère cadet est un artiste et il est très doué. Je l’adore et je n’aurais jamais pensé que je pouvais faire un travail créatif comme lui. J’aurais pas pensé non plus que je pouvais faire n’importe quelque chose qui touche à l’art visuel. À mes yeux, ainsi que ceux des membres de ma famille ou de mes amis et camarades de classe, je suis censé être un enseignant qui travaille uniquement avec son stylo. D’ailleurs je continue à écrire pour les médias en Chine de temps à autre.

La première fois que j’ai pris en main un appareil photo a été quand j’ai fait un voyage en Mongolie intérieure, pendant les vacances d’été lors de ma deuxième année à l’université. J’ai emprunté un appareil automatique et pris des photos de paysage. Elles sont terribles quand je les regarde aujourd’hui, mais à ce moment-là j’ai vraiment apprécié le processus de regarder le monde à partir du viseur d’un appareil photo. En 1999, j’ai voyagé au Tibet, et pour la première fois j’ai utilisé un appareil reflex, le Nikon FM2, mais je n’avais vraiment aucune idée de ce qui est l’ouverture et la vitesse d’obturation, et bien sûr il ne s’agissait que des photos de touriste. Quand je suis revenue, les médias locaux ont rendu publique mon voyage et m’ont demandé d’écrire un journal de voyage en solitaire au Tibet. Parallèlement à cela, quelques photos ont été publiées. C’était la première fois que je publiait mes images. Mais je ne pensais pas d’être un photographe, et je ne l’osais pas non plus, parce que je pensais qu’un stylo est plus facile à utiliser qu’un appareil photo.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Quand j’ai étudié le journalisme à l’Université de Jinan, je suis devenue un photographe amateur. Comme il ne s’agissait pas de ma spécialité, je connaissais très peu de choses sur la photographie, et il n’y avait pas beaucoup de matériel disponible pour apprendre, c’était donc purement une activité de loisir, sans aucune restriction. J’ai pris des photos de touriste, ainsi que de clichés des plantes et aussi des scènes de rue. Parfois j’ai même reçu des louanges. Quand j’étais en fin d’études, j’ai photographié Xiaoguwei, un village antique à proximité de la banlieue de Guangzhou. Plus tard, mes photos ont été exposées par Jiangnanliguo à Guangzhou.

Quand j’ai étudié l’anthropologie aux États-Unis, la photographie est devenue une petite et agréable distraction dans ma vie, parce que la recherche universitaire était très fatigante. J’ai assisté à des conférences sur la photographie artistique dans le département des arts, ainsi que des conférences sur la photographie journalistique proposées par le département de journalisme. J’ai fait la connaissance avec Kevin Moloney, le photographe du New York Times et son père Paul Moloney. Sous leurs encouragements, j’ai commencé à envisager sérieusement d’être un photographe professionnel. En fin de compte j’ai renoncé à la bourse de doctorat et je suis devenue un photographe à plein temps.

Après avoir travaillé pendant près d’un an pour une agence de presse dans le Colorado, j’ai été encouragé par Rich Clarkson, le président de photographie ancienne du National Geographic, d’accepter la bourse Enlight de l’Université de l’Ohio. J’ai ainsi étudié la communication visuelle et la photographie documentaire.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Xiaomei Chen : Mon travail est très amusant, mais en même temps, il est très exigeant, tant physiquement que mentalement. Quand je faisait de la recherche académique je pensais que c’était un travail fatigant et ennuyeux, et j’admirais les artistes parce que je pensais que leur travail était facile et amusant. Mais quand je suis devenue un photographe à plein temps, j’ai découvert que la photographie est parfois encore plus difficile que la recherche universitaire. Faire des études universitaires ne nécessite que de travailler dur et de persévérer, aussi longtemps que vous continuez à réfléchir, vous allez surement réussir. Au contraire le travail de création artistique est vraiment difficile, la persévérance peut se transformer en répétition et restriction.

Un proverbe chinois dit: «Vous ne pouvez pas connaître la forme d’une montagne quand vous êtes debout sur la montagne ». Il est très difficile pour moi de juger mon propre travail. Vous pouvez obtenir des commentaires de gens qui travaillent dans le domaine et qui sont familiers avec mon travail. Par exemple, Terry Eiler, le directeur de la Faculté de Communication Visuelle, le photographe Tom Ondrey, Bill Alen, l’ancien rédacteur en chef du National Geographic.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Xiaomei Chen : Peut-être à cause de ma formation universitaire en journalisme et anthropologie, essentiellement ma démarche est assez simple et l’approche et principalement documentaire. En outre, sous l’influence de la conception du journalisme aux États-Unis, je ne fais aucune manipulation, exception faite du masquage traditionnel, donc en général je ne change pas l’apparence originale d’une photographie.

J’utilise principalement un reflex numérique Nikon, parfois aussi du film 135mm et 120mm. J’ai récemment pris une chambre 4×5 pouces, alors j’espère que je ferai plus de photos sur pellicule.

Je veux essayer des techniques différentes et je ne veux pas avoir trop de contraintes liées à un choix unique de technique ou de styles.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Xiaomei Chen : Le traitement numérique n’est pas très important dans mon travail. Peu importe s’il s’agit de photo documentaire ou en studio, j’attache plus d’importance à la photographie en soi et au message qu’elle véhicule. Si je cherche un effet spécifique, je préfère l’obtenir au cours même de la prise de vue plutôt que en post-production.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Comment abordez-vous les inconnus ? Est-ce que vous leur demandez l’autorisation avant de les photographier ou vous essayez de les photographier sans vous faire remarquer ?

Xiaomei Chen : Habituellement, avant de prendre une photo, je demande la permission. Cependant, si je dois saisir un moment spécial qui ne peut pas être manqué, je vais d’abord prendre la photo, et par la suite informer la personne de ce que je viens de faire. Dans les États Unis, la plupart des gens sont très amicaux, et ils n’hésitent pas à se faire photographier. Mais s’ils exigent de ne pas êtres pris en photo, je vais m’arrêter, à exception faite de certains cas spéciaux dans le cadre de phots de presse, telles que photographier les détenus.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Lorsque vous travaillez en Chine, pensez-vous que le fait d’être chinoise et donc d’avoir une certaine invisibilité par rapport à un photographe étranger est un atout majeur ?

Xiaomei Chen : Je ne pense pas que en tant que chinoise j’ai une certaine invisibilité quand je photographie en Chine. La caméra de toute façon dévoile tout de suite votre désir de prendre des photos. Au contraire, je pense que photographier en Chine est en effet plus difficile, parce que les Chinois semblent être timides devant la caméra, et au même temps ils sont plus craintif que les occidentaux.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Pensez-vous que le fait d’être une femme modifie la réaction des gens quand vous les prenez en photos ? Pensez-vous que la photographie peut vous mettre, en tant que femme, dans des contextes difficiles ou -selon vous- le danger est le même pour tout le monde ? Avez-vous déjà rencontré ce genre de situation ?

Xiaomei Chen : Aux États-Unis, c’est un avantage pour moi d’être un photographe femme ainsi que une étrangère. C’est parce que une femme, comparativement à un homme, ne pose pas de véritable menace, et la personne concernée peut se sentir relativement détendue. En outre, en tant que femme étrangère, assez souvent les gens sont intrigués et ils aimeraient me parler. C’est pourquoi ils me donnent l’occasion d’exprimer mon amitié et il est plus facile pour moi d’obtenir leur consentement.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Un de vos premiers travaux a été un voyage au Tibet, une région autonome spéciale où les chinois ont généralement besoin d’autorisations spéciales pour le visiter. Avez-vous eu une liberté complète ou vous vécu une forme quelconque de pression exercée par les autorités ? Plus généralement, quelle est votre expérience personnelle concernant la liberté de la presse en Chine?

Xiaomei Chen : Quand j’ai fait le voyage aux Tibet il y a plusieurs années , plutôt que d’être un photographe ou un journaliste, je n’étais qu’un touriste. Je n’ai donc pas eu besoin d’autorisation spéciale. En outre, il se pourrait que le temps et les circonstances sociales à l’époque étaient assez différent de nos jours, donc je n’ai pas été soumise à aucune restriction.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Pouvez-vous décrire les deux projets que vous avez choisi pour illustrer l’interview ?

Xiaomei Chen : Les photographies de ces deux séries font partie de mes projets en cours. Le début du « Zen of Fire » est plutôt accidentel : la maison de la mère de mon copain a pris le feu. Le but de ce projet est d’explorer le sens de la catastrophe et pousser les gens à repenser au désastre. Autrefois Laozi a dit « le bonheur et le malheur se côtoient ». Le malheur peut être une bénédiction déguisée, et la chance peut être la voisine de l’infortune. Ce que je veux exprimer, c’est juste une simple philosophie en tant que telle. Grâce à ce projet, je me suis rendue compte d’avoir une mentalité très différente par rapport aux photographes occidentaux, et que l’influence de la culture chinoise est très pénétrante.

« Embrace Pain » vise à enquêter certains marginaux américains d’un point de vue anthropologique. Je les photographie, pas simplement parce que leur comportement est assez étrange aux les yeux des « gens ordinaires », mais parce que je suis attirée par leur monde intérieur, et je voudrais à nouveau contempler la société contemporaine à travers leurs yeux. Je voudrait m’interroger sur la question « ce qui est normal ? ». Ce projet révèle le fait que, pour moi, la photographie est un instrument d’exploration.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Un grand nombre de photographes se plaignent de la situation actuelle de la photographie documentaire. Pensez-vous que le reportage aujourd’hui traverse une crise majeure et pourquoi ? Quelle pourrait être une possible solution ?

Xiaomei Chen : Il est assez difficile de juger si nous sommes confrontés à une crise dans la photographie documentaire, mais il semble que nous vivons une période transitoire, nous vivons dans un état incertain. Selon la philosophie traditionnelle chinoise, la « crise » est porteuse d’« opportunités ». Peut-être que nous aurons beaucoup de nouvelles opportunités dans la photographie documentaire, ou même le domaine de la photographie tout entière. La seule chose est que nous ne le savon pas encore.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Pensez-vous que la situation est la même dans le monde occidental et en Chine ?

Xiaomei Chen :Il y aurait peut-être quelques différences au niveau théorique et pratique entre la photographie chinoise et occidentale. Cependant, en Chine comme en Occident, les évolutions technologiques, les changements d’opinion et de la situation économique influencent plus ou moins la mentalité, les approches, les techniques et les moyens de diffusion photographiques. Avec la globalisation les écarts entre l’Asie et l’Occident vont surement diminuer.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Plus en général, est-ce que vous pensez que la photographie contemporaine chinoise est différente de celle occidentale ? Si oui quelles sont ces différences et comment les expliquait vous ? Est-ce que vous pensez qu’on peut parler d’une « école chinoise » ou la photographie aujourd’hui est globalisée ?

Xiaomei Chen : Je ne suis pas vraiment familière avec les distinctions spécifiques entre la photographie moderne de la Chine et de l’Occident. Mais je pense que au contraire des mots, la photographie est un langage sans frontière nationale. Il est vrai que l’environnement et la culture dans laquelle nous grandissons va laisser des traces sur nous et influencer notre façon de travailler, mais chaque photographe a son propre style, peu importe si ils viens d’Occident ou de Chine. Il est difficile de juger de la nationalité du photographe à partir d’une image.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Qu’est ce que vous plait et vous déplait dans la photographie contemporaine chinoise ?

Xiaomei Chen : Certains photo-reporters font des mise en scène photographiques, ou beaucoup de travail de post-production et je ne suis pas d’accord avec cela. Je ne suis pas contre la post-production de la photographie d’art, mais pour la photographie documentaire et le journalisme, il est préférable de ne pas faire de manipulations afin de refléter la réalité de façon fidèle.

Yuhui Liao-Fab : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique ?

Xiaomei Chen : Faire de la photographie d’une manière honnête, et au même temps ne pas mourir de faim.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Est-ce que il est fondamentale de vivre dans une très grande ville ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Xiaomei Chen : La situation géographique n’est pas une restriction. Les restrictions proviennent d’un ‘esprit fermé, ainsi que des contraintes économiques.

Yuhui Liao-Fab : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Xiaomei Chen : Un blog est un moyen très personnalisé d’expression. Il peut aider les gens à voir et en savoir plus sur le travail d’un photographe. Mais à une époque où les blogs nous ont inondés, il y a très peu de blogs de photographie qui peuvent retenir l’attention. J’ai un blog, mais le but n’est pas de promouvoir mon travail, mais plutôt partager mes expériences avec des amis. En outre je pense que oui, les photographes doivent avoir leur propre page web. J’ai moi même conçu et créé mon propre site.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Yuhui Liao-Fab : Comment vous décrivez le milieu artistique et photographique en Chine ? Est-ce qu’il y a souvent des expositions, des festivals, des manifestations, etc ? Et le milieu professionnel et commercial ?

Xiaomei Chen : La relation entre le monde de l’art et de la communauté commerciale est très délicat. L’univers de l’Art a besoin d’un soutien économique, mais pourrait être compromis par le monde commercial. Une forme de résistance et d’attraction sont en cours en même temps.

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Yuhui Liao-Fab : Quel sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ? Livres, magazines, sites, blogs, etc.

Xiaomei Chen : Le blog de Ren Yue, un professeur de l’Université Renmin de Chine, est très instructif.

Yuhui Liao-Fab : Quelque nom de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et pourquoi.

Xiaomei Chen : Les photographie d’art de Gu Zheng sont tout a fait profondes. La photographie documentaire de Lu Guang mérite beaucoup d’attention.

 

Lisez l’article de Xiaomei Chen’s Between In and Out (en Anglais) et visitez le site de Xiaomei Chen plus d’informations et photographies documentaires.

© Xiaomei Chen (陈小枚)
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Interview avec Sheila Zhao /fr/2011/interview-sheila-zhao/ /fr/2011/interview-sheila-zhao/#respond Fri, 29 Apr 2011 17:01:29 +0000 /?p=4414 Related posts:
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Interview suivante de Sheila Zhao par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Sheila Zhao : La photographie est un métier qui appartient à son propre monde. La photographie me permet de traduire visuellement et de partager la façon dont je vois le monde.

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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Sheila Zhao : Je suis née à Pékin en 1983 et j’ai passé la première partie de mon enfance en Chine. À l’âge de 7 ans, j’ai suivi mes parents aux États-Unis, où ils ont travaillé et essayé de s’implanter. J’ai passé le reste de mon enfance et adolescence dans le New Jersey où j’allais à l’école secondaire. J’ai continué mes études à l’Université d’Indiana (avec de nombreux voyages entre la Chine et les États-Unis). J’ai obtenu mon diplôme en journalisme, en me spécialisant dans les relations publiques. Ensuite, je suis revenue en Chine pour un stage d’une durée de trois mois à General Motors de Pékin. Durant ces trois mois, j’ai beaucoup apprécié la vivacité de la ville de Pékin, j’ai donc décidé d’y rester et de trouver un poste dans une agence de relations publiques internationales.

Sheila Zhao (13)
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Yuhui Liao-Fan : Quel est votre histoire de photographe ?

Sheila Zhao : Après avoir travaillé pendant un an et demi dans une agence de relations publiques, j’ai réalisé que cet emploie ne me procurait aucune satisfaction et que je n’était pas heureuse de travailler dans ce domaine. Mon esprit a commencé à dériver et à travers une série de coïncidences, j’ai pris la très impétueuse décision de devenir photographe à temps-plein.

Yuhui Liao-Fan : Je pense que vous avez fait un choix courageux. Beaucoup de gens sont effrayés par l’incertitude d’une profession créative, qui de plus est souvent vue comme difficile et précaire. Comment est-ce que votre entourage a réagi face à votre décision? Est-ce que ils vous ont encouragée ou ont-ils essayé de vous dissuader?

Sheila Zhao : Je vous remercie. Encore une fois, je tiens à souligner que, lorsque j’ai décidé de changer de métier, j’étais encore très jeune, sans expérience, sans formation adéquate en photographie et sans aucune attente réaliste. Par conséquence, la décision que j’ai prise d’aller faire carrière dans le milieu de la photographie a été, rétrospectivement, très impétueuse et irresponsable. Bien que je n’ai pas de regrets sur ce que j’ai fait et que je suis très reconnaissante pour tout ce que j’ai appris et acquis de cette décision, je ne conseille à personne de faire les choses de la manière dont je les ai faites. Cela dit, je suis également très heureuse d’avoir eu un solide réseau de soutien. Mes parents ne sont pas enthousiasmés -et ne l’ont jamais été- par mon choix de carrière, mais je suis très reconnaissante qu’à la fin de la journée, ils sont les personnes les plus patientes avec moi et ils font partie des gens qui me soutiennent le plus.

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Yuhui Liao-Fan : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Sheila Zhao : Ma photographie est toujours en évolution et j’apprends en permanence (je suis autodidacte, et il y a beaucoup à apprendre !). Les travaux de mes débuts n’ont rien à voir avec ce que je fais maintenant. Mon travail personnel en cours est un peu difficile à expliquer, surtout que je viens à peine de le commencer en début de cette année et j’en suis encore au stade d’essayer de le comprendre moi même. Très globalement, je pense qu’on peut le décrire comme une série de photos où je tente d’exprimer un ensemble similaire d’émotions communes, au sein d’une variété de situations et des contextes différents.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Sheila Zhao : En ce qui concerne mon travail personnel en cours, je photographie en pellicule noir et blanc et je fais de la retouche numérique par la suite.

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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Sheila Zhao : Personnellement, je pense que le contenu est toujours plus important que le matériel utilisé. Bien sûr, cela ne veut pas dire que l’aspect technique n’est pas important du tout. Chaque décision que vous prenez, du début à la fin, aura un impact sur le rendu final de l’image. Toutefois, il ne faut pas toujours se baser sur un effet sympa, un filtre de post-production assez cool, ou se confiner dans les normes traditionnelles de ce qu’est une « bonne » image afin de créer une image percutante. Pour moi, à la fin de la journée, une « bonne » image doit montrer clairement ce que le photographe tente d’exprimer ainsi que un peu de la vulnérabilité du photographe même.

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Yuhui Liao-Fan : Pouvez-vous approfondir un peu plus le discours à propos de votre travail personnel récent ? S’agit-il d’un projet précis ou d’un journal visuel quotidien? Quel est selon vous l’ intérêt de ce thème actuel ?

Sheila Zhao : Je viens de commencer une nouvelle série de travaux personnels en début de cette année. Il est difficile pour moi de lui donner un sens maintenant, alors que je suis toujours en phase initiale de ce nouveau voyage ; par conséquence je suis encore moins en mesure de fournir une explication articulée. Je trébuche pas mal sur ce travail. J’ai eu l’idée d’aller rendre visite à un ami à Pusan, en Corée. Nous sommes allés visiter le fameux marché aux poissons de Pusan, juste pour le plaisir. J’y ai impressionné un rouleau de film. Quand j’ai fait développer le film, certaines photos m’ont plu, j’ai alors décidé de continuer à photographier les poissons et d’autres animaux d’origine aquatique présents sur le marché aux poissons. Par une autre coïncidence, j’ai du aller au Japon un mois après Pusan. J’ai passé environ cinq jour à Tokyo et il m’est arrivée d’habiter à quatre pas du marché aux poissons de Tsukiji et de photographier tout ce que j’ai vu là-bas. Cependant, ce n’est que récemment que j’ai réalisé que ces photos que j’avais prises étaient bien plus que des simples photos de poissons. La chose importante est de savoir comment j’ai interprété la situation, le sentiment dégagé par les images, et qu’est-ce-que ces images signifient pour moi. Actuellement, je travaille pour compléter cette série.

Sheila Zhao (9)
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Yuhui Liao-Fan : Comment abordez-vous les gens ? Est-ce que vous leur demandez l’autorisation avant de les photographier ou vous essayez de les photographier sans vous faire remarquer ?

Sheila Zhao : Chaque situation est différente. De manière générale, je n’aime pas être trop intrusive. De plus, je suis un peu peureuse et je deviens extrêmement timide à l’approche des gens qui me sont étrangers. Je m’améliore avec le temps, mais c’est quand même un gros problème pour moi. Idéalement, j’aimerais que les gens ne me vois pas ou sinon avoir déjà établi un élément de confiance avec les gens que je prends en photos, mais bien sûr ce n’est pas possible tout le temps. Je pense que l’on doit apprendre comment travailler avec chaque situation et ces limites.

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Yuhui Liao-Fan: Est-ce vous pensez qu’en Chine vous avez la liberté de prendre des photos de tout ce que vous voulez ou certains sujets sont hors de portée ? Je suis en train de penser aux réaction négatives des gents ainsi que aux éventuelles pressions exercées par les autorités. Avez-vous déjà vécu quelque chose de similaire ?

Sheila Zhao : Comme la plupart des pays du monde, la Chine a ses restrictions. Les conséquences sur un photographes dépendent de l’intention du photographe même et de la façon dont il aborde le sujet. Le travail de photo-journaliste en Chine est le plus concerné, je pense que cela est directement du à la nature de ce travail. Cela dit, il y a d’autres photographes et artistes qui font valoir leur point de vue à travers la photographie avec subtilité et de façon créative. Par exemple, Ai Weiwei a fait une série de photographies dans laquelle il a montré du doigt dans les divers sites célèbres du monde entier comme la Maison-Blanche, la Tour Eiffel et la place Tian An Men.

Sheila Zhao (7)
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Yuhui Liao-Fan : Lorsque vous travaillez en Chine, pensez-vous que le fait d’être chinoise et donc d’avoir une certaine invisibilité par rapport à un photographe étranger est un atout majeur ?

Sheila Zhao : Oui et non. Être chinois (ou avoir une allure asiatique) vous fait moins ressortir dans une foule. Les gens remarqueront un occidental avec une grosse caméra bien avant que je me fasse repérer. Cependant, l’avantage d’être un photographe étranger en Chine, c’est que certaines personnes baissent plus rapidement la garde, parce qu’ils ne voient pas l’étranger comme une menace. Ils partent du principe que les étrangers ne parlent pas chinois et donc cherchent moins à se chamailler avec le photographe.

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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que d’après vous le fait d’être une femme modifie la réaction des gens quand vous les prenez en photos ? Pensez-vous que la photographie peut vous mettre, en tant que femme, dans des contextes difficiles ou -selon vous- le danger est le même pour tout le monde ? Avez-vous déjà rencontré ce genre de situation ?

Sheila Zhao : Lorsque je travaille, j’essaie de ne pas penser à mon genre, ou aux conséquences que peuvent être liées au sujet du mon genre. Il se pourrait que la situation soit différente si je travaille sur des images qui posent la question du genre, mais ça n’a pas été la cas jusqu’à présent et mes travaux actuels ne portent pas sur ce sujet non plus, donc je essaie de ne pas y penser, j’essaie d’écouter davantage mon instinct. Encore une fois, selon le contexte et la situation, le sexe peut être à la fois un avantage et un inconvénient. Pour utiliser un autre exemple du photo-journalisme : les photographes masculins pourraient travailler plus facilement dans des milieux où le taux de testostérone est très élevé, principalement lorsque la situation est dominée par les hommes. Toutefois, les chances de photographier dans des situations où les femmes sont hautement surveillées et isolées, est mince (comme dans des moments « derrière le voile » avec certains groupes de femmes musulmanes). Les photographes femmes sont généralement moins considérées comme une menace tandis que les photographes de sexe masculin sont généralement pris plus au sérieux par diverses entités non photographiques. Ainsi, les deux genre ont leurs avantages et inconvénients, on a juste besoin d’apprendre à travailler avec sa propre particularité.

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Yuhui Liao-Fan : Pensez-vous que vos origines chinoises et votre milieu culturel d’origine sont importants dans votre travail photographique ainsi que dans votre vision esthétique ?

Sheila Zhao : Pas consciemment. J’ai entendu dire par d’autres amis photographe non Chinois que le style général de la photographie chinoise est calme et subtile. Certains de mes travaux antérieurs rentrent dans cette catégorie, même si ceci n’est pas du tout fait exprès. Peut-être que c’est en raison d’un milieu culturel similaire? Qui sait.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, tant pour ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Sheila Zhao : Je voudrais apprendre à me laisser aller, à laisser mon instinct et ma passion guider mon travail.

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Yuhui Liao-Fan : Est-ce qu’en Chine, il est fondamentale de vivre dans une très grande ville comme Pékin ou Shanghai ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Sheila Zhao : Je pense que vous pouvez vivre n’importe où vous vous sentez à l’aise, que ce soit une grande ville ou une petite ville. Personnellement, je suis une fille de grande ville et je ne saurais pas quoi faire si je reste coincée à la campagne pour longtemps !

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Sheila Zhao : Ce n’est pas un impératif, mais avoir un site web ne pourra pas faire de mal. Bien sûr, il est important que la langue du site web soit dans une langue internationale largement utilisée, mais peu importe, ce qui compte est que le photographe obtiens ce qu’il veut veut. Enfin de compte, la question si un(e) photographe a besoin d’un site dépend seulement de ses intentions.

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Yuhui Liao-Fan : Comment la photographie chinoise a évolué au cours des dernières années ? Comment décririez vous l’histoire récente de la photographie en Chine ?

Sheila Zhao : Tout le monde a un appareil photo maintenant! Un grand nombre de photographes amateurs ont un meilleur matériel que moi. Je pense que comme en Occident, il y a un afflux massif de contenu et la Chine commence a être confrontée à la même situation que l’Occident en ce qui concerne le droit d’utilisation, le droit d’auteur, etc.

Yuhui Liao-Fan : Comment vous décrivez le milieu artistique et photographique en Chine ? Est-ce qu’il y a souvent des expositions, des festivals, des manifestations, etc ? Qu’en est-il de la photographie commerciale?

Sheila Zhao : Le milieu est prometteurs et en croissance, même si je ne pense pas que la scène photographique chinoise soit aussi mature que dans d’autres pays d’Asie. Je pense certainement qu’elle se développera davantage, la limite s’arrête au ciel. Je suis sûre qu’il y a beaucoup de photographes qui font du travail intéressant. Il y a aussi des expositions de photographies à Pékin, ainsi que divers festivals photo partout en Chine, tels que Caochangdi Photo Printemps, Pingyao, etc.

Sheila Zhao (2)
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Yuhui Liao-Fan : Quels sont les pays que vous venez de citer ? Selon vous, comment la Chine peut et doit faire pour combler l’écart et améliorer la situation ?

Sheila Zhao : Le Japon a une histoire riche en photographie et de là venaient certains maîtres de la photographie que je vénère, comme Daido Moriyama, Masahisa Fukase, Shomei Tomatsu, etc. Dans les pays d’Asie du Sud comme l’Inde et le Bangladesh, actuellement il y a aussi de jeunes photographes très talentueux. Je pense qu’il y a beaucoup de talents en Chine, mais la culture générale et la sensibilité ne sont pas aussi raffinées. Sur le plan collectif, je pense qu’une partie de cela est du au manque de contact avec des travaux de haute qualité et de guide par les maîtres internationaux de la photographie. L’histoire récente et la façon dont le pays se développe actuellement influencent sans doute le développement de la photographie en Chine. Mais je pense que chaque chose nécessite son temps. Les festivals internationaux de la photographie offrent d’immenses opportunités pour toutes les personnes impliquées, et je pense que qu’il faudrait en organiser davantage.

Yuhui Liao-Fan : Quelques noms de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et pourquoi ?

Sheila Zhao : Récemment un collègue m’a envoyé le travail d’un photographe chinois Qiu, que j’ai vraiment aimé. Son travail me rappelle la dureté des images des photographes tels que Daido Moriyama, mais on y trouve également un sens de fantaisie subtile.

 

Pour plus d’informations et de photos lisez Shifting Focus: China Roads (en Anglais) ou visitez le site de Sheila Zhao.

Sheila Zhao (1)
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Interview avec Yang Yongliang /fr/2011/interview-yang-yongliang/ /fr/2011/interview-yang-yongliang/#comments Mon, 25 Apr 2011 16:45:54 +0000 /?p=4409 Related posts:
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Interview de Yang Yongliang (杨泳梁) par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Yang Yongliang : Pour moi, la photographie est une manière d’enregistrer, à travers cette dernière, pour exprimer ou ne pas exprimer son opinion personnel ou son émotion. Au même moment, c’est une technique. Elle s’adapte au gré du changement d’époque. Bien que j’emploie cette technique dans mon approche créative, elle ne correspond pas au sens strict de la « photographie ».



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Yang Yongliang : Je suis né à Jia Ding à Shanghai en 1980. Depuis mon jeune âge, pendant près de dix ans, j’ai étudié la peinture, la calligraphie et diverses formes d’art traditionnelles chinoises avec le professeur Yang Yang de la Chinese University de Hong Kong. Je suis entré à l’Académie des Beaux-Arts de Shanghai en 1995, puis j’ai suivi une spécialisation en design de communication visuelle à China Academy of Art en 1999. En 2004, j’ai fondé mon propre studio. De nombreux courts métrages expérimentaux ainsi que de mes travaux personnels ont gagnés et on été sélectionnés pour des prix nationaux. En 2005, j’ai débuté des créations d’art moderne. Depuis 2006, j’enseigne à Shanghai Fudan Institute of Visual Arts.



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Yuhui Liao-Fan : Quel est votre histoire de photographe ?

Yang Yongliang : Après l’obtention de mon diplôme d’universitaire en Design, avec mes camarades de classe, nous avons créé une société de publicité et d’animation. Par la suite, après avoir abandonné l’activité commerciale, j’ai commencé ma propre exploration artistique.



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Yuhui Liao-Fan : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Yang Yongliang : Sur le plan technique, mon travail est réalisé à partir de multiples techniques, ceci comprend l’intérêt pour l’esthétique de la peinture chinoise ancienne, à la fois une technique de photographique et d’imagerie totalement innovante. Tout ceci vient du développement intellectuel et des contextes complexes de ma vie personnelle. Depuis enfant, je connaissais l’art et la culture chinoise traditionnelles, plus tard, j’ai étudié l’art occidental et les arts appliqués. Par conséquent, tout ceci a conduit inévitablement à la naissance de mon travail artistique.



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Yang Yongliang : J’utilise la photographie numérique et des images de synthèse.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que les aspects techniques sont importants dans votre travail ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Yang Yongliang : Pour le moment, l’aspect technique tient une place prédominante dans mon travail. Je considère que l’art et l’œuvre en lui même ne sont qu’une sorte d’équilibre. Si la technique est insuffisante, le public n’arrivera pas à comprendre le sens originel du travail artistique. En même temps, si vous possédez trop de technique, la relation entre le milieu artistique et commercial conduit à faire perdre l’œuvre elle-même. C’est donc une relation de contraintes mutuelle.



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que la photographie contemporaine chinoise est différente de celle occidentale ? Si oui quelles sont ces différences et comment les expliquait vous ? Est-ce que vous pensez qu’on peut parler d’une « école chinoise » ou la photographie aujourd’hui est globalisée ?

Yang Yongliang : Il faut élaborer ce sujet en deux points, d’une part, du point de vue de la technique, de sa forme, ainsi que son approche créative. L’art photographique est le fruit issu de la science, du standard esthétique et de la philosophie occidentale, par conséquent, l’exploration dans ce contexte a lui-même certaines limites. De ce point, à grande échelle, l’Asie et l’Occident sont assez proches.

Du point du contenu, la particularité de la culture chinoise traditionnelle, est en train de traverser une période spéciale de l’histoire dont elle ne connaissait pas (verticale et horizontale). Elle se développe à une vitesse sans précédent, son contenu singulier est donc visible.



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Yuhui Liao-Fan : Comment la photographie chinoise a évolué au cours de dernières années ? Comment décririez vous l’histoire récente de la photographie en Chine ?

Yang Yongliang : Il est en fait difficile de classer mon travail dans la catégorie de la photographie. En réalité, je ne connais pas très bien l’histoire récente de la photographie en Chine. Pour compenser, je vais partir du domaine plus général de l’art et de la société pour évoquer mon point de vue ci-dessous.



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La société chinoise a connu d’innombrables bouleversements et changements. Culturellement parlant, les écarts se creusent de plus en plus. La société se développe à une vitesse frénétique, cela produit des inégalités et des déséquilibres. C’est une particularité qui est spécifique à chaque époque dans chaque société. Cette singularité a ses avantages et ses inconvénients. D’une part, elle crée de conflits et des inégalités extrêmes. Les artistes sont des êtres sensibles, ils peuvent avoir une réaction « excessive » vis-à-vis des choses qui les entourent. Cette réaction « excessive » est la source de l’essence artistique. L’inspiration artistique des artistes chinois vient justement de ces conflits et de ces inégalités extrêmes.

Le côté négatif de tout ceci est que la culture traditionnelle chinoise est sans cesse détériorée. Ce genre de dégradation apparaît dans l’histoire lors de changement des dynasties. L’influence de la culture étrangère se verra sur le changement d’idéologie et sur la construction du développement d’une société moderne. Les chinois ont des difficultés à voir clairement l’origine de leur propre culture, son développement et sa trajectoire d’évolution. De ce fait, il est autant plus difficile pour les artistes chinois de trouver une place artistique appartenant à l’héritage de la culture chinoise. La forme artistique se transforme facilement -devint ainsi la nouvelle eldorado- d’arts plagiés, arts ennuyants et arts vulgaires.



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, tant pur ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Yang Yongliang : Vis à vis de l’environnement extérieur, je n’ai aucune illusion ni attente, la volonté de l’homme ne peut rien changer en cela, je crois au travail bien fait. Cela suffit d’être responsable de chacun de ses œuvres.



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que en Chine est fondamentale de vivre dans une très grande ville comme Pékin ou Shanghai ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Yang Yongliang : Je pense que la base de la carrière est en elle-même, l’environnement extérieur n’est qu’une facteur externe. Comme vous dites, la technologie moderne apporte déjà de facteurs externes très puissants.



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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Yang Yongliang : Vivant dans cette ère informatisée, selon mon expérience, si l’œuvre est assez puissant, il est difficile que le(s) talent(s) ne soit pas découvert.



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Yuhui Liao-Fan : Comment vous décrivez le milieu artistique et photographique en Chine ? Est-ce qu’il y a souvent des expositions, des festivals, des manifestations, etc ? Et le milieu professionnel et commercial ?

Yang Yongliang : Aujourd’hui, il est difficile de séparer le monde de l’art et de la photographie. Seuls les médias et les moyens utilisés sont différents. Concernant le rapport entre le monde artistique et celui des affaires, je sais seulement que le premier s’approche du second.

 

Visitez le site de Yang Yongliang pour plus d’informations.



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Interview avec Rian Dundon /fr/2011/interview-rian-dundon/ /fr/2011/interview-rian-dundon/#respond Sun, 24 Apr 2011 17:11:58 +0000 /?p=4406 Related posts:
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Interview de Rian Dundon par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan: Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Rian Dundon: Photographier pour moi, c’est avoir un rôle actif dans le monde. Cela signifie un dévouement à la poursuite de quelque chose de significatif. Et cela signifie qu’il faut se confronter avec des notions de vérité qui ne sont pas toujours confortables ou qui déterminent des avantages tangibles. Photographier veut dire atteindre un état de vulnérabilité dans soi et reconnaitre la même vulnérabilité dans les autres.

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Yuhui Liao-Fan: Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Rian Dundon: Je suis né à Portland, Oregon en 1980. Le 23 décembre. J’ai grandi à Monterey, en Californie et obtenu un diplôme de licence de la New York University (photographie et images : 2003). J’ai vécu en Chine de façon intermittente entre 2005 et 2010 en travaillent comme photographe et consultant. Je suis actuellement étudiant de master à l’Université de Californie, Santa Cruz (Documentaire social : 2012).

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Yuhui Liao-Fan: Quel est votre histoire de photographe ?

Rian Dundon: J’ai commencé à photographier à l’école secondaire mais c’est devenu une poursuite à temps plein depuis peu de temps après. À un certain moment, quand j’étais à la fac, j’ai rétréci mon objectif et décidé de travailler sur plusieurs projets documentaires de longue durée. La plupart de mes travaux en cours sont encore ce type de photographie documentaire socialement engagé. J’utilise la photographie comme une forme d’observation participante et comme un moyen d’entrer dans une réalité sociale différente de la mienne.

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Yuhui Liao-Fan: Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Rian Dundon: J’essaie d’étreindre les gens avec mes photos, en essayant dans mon travail de me tenir aux gens eux mêmes. C’est peut-être impossible, mais dans mes photos je suis toujours en train de pousser vers une certaine profondeur de sens intime. Je cherche désespérément quelque chose que je sais que je pourrais ne jamais trouver.

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Yuhui Liao-Fan: Comment vous approchez les inconnus ? Vous leur demandez si ils acceptent de se laisser photographier ou vous essayez de ne pas vous faire remarquer ?

Rian Dundon: C’est toujours différent, mais en général, j’essaie d’apprendre à connaître les gens que je photographie. Je ne me cache pas : il y a toujours une sorte d’interaction ou de relation entre nous.

Yuhui Liao-Fan: Quel est leur réaction typique ?

Rian Dundon: Je crois que la plupart des gens aiment sincèrement qu’on les prenne en photo.

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Yuhui Liao-Fan: Est-ce que vous pensez que le fait d’être étranger fait en sorte que ça soit plus facile de prendre des photos de gens ? Ou c’est plutôt l’inverse ?

Rian Dundon: J’essaie de ne pas être un étranger. Les gens que je photographie sont des personnes avec lesquelles je passe beaucoup de temps et qui deviennent très proches. Être un étranger dans un pays étranger est difficile, mais il me permet aussi de m’ouvrir à de nouvelles personnes et d’expériences d’une manière qui est difficile de réaliser à la maison.

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Yuhui Liao-Fan: Dans votre série « la jeunesse chinoise » vous explorez l’expérience des jeunes en Chine continentale. Pensez-vous qu’il existe une différence fondamentale entre eux et les jeunes du monde occidental ? Ou -au contraire- tous les êtres humains partagent aujourd’hui la même expérience de base ? Est-ce que les différences géographiques restent importantes ou le monde est désormais globalisé ?

Rian Dundon: Ce projet voulait explorer les thèmes universels de la jeunesse et de l’identité: pas nécessairement juste ceux qui sont engendrés par la mondialisation, mais l’expérience plus émotionnelle que nous partageons tous. Cela étant dit, je pense qu’il y a beaucoup de facteurs importants qui façonnent et qui différencient les conditions de vie des jeunes Chinois. Il n’y a pas une identité unique de la jeunesse chinoise, mais je pense que les influences socio-politiques ont contribués à façonner et dicter la structure et l’expérience de cette génération de jeunes chinois en particulier.

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Yuhui Liao-Fan: Votre travail montrent parfois des situations difficiles. Par exemple « La dépendance à Kunming » raconte l’histoire d’addiction à l’héroïne et la diffusion du SIDA dans la province du Yunnan. Ici, en Europe, nous avons par fois l’impression que le gouvernement chinois tend à contrôler toutes les informations et cacher les nouvelles négatives. Avez-vous subi une forme quelconque de pression de la part des autorités? Comment avez vous fait face à cette question?

Rian Dundon: Je n’ai jamais eu de pression ou menaces du gouvernement chinois. L’ouvrage traite de Yunnan avec des questions difficiles, mais ce n’est pas explicitement critique envers la politique de l’État.

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Yuhui Liao-Fan: Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Rian Dundon: C’est que de la pellicule. Je ne manipule les photos que de façon très minimale, en essayant de garder la plupart des tons d’un tirage ou une numérisation. Toujours sans recadrage (ou presque). Je photographie à peu près tout avec un seul objectif et un seul appareil. J’essaie de minimiser les variables technologiques dans mon travail. Ce processus fonctionne pour moi, il garde les choses simples.

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Yuhui Liao-Fan: Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Rian Dundon: Bien sûr, les résultats finaux dépendent des aspects formels et techniques, ainsi que des aspect théoriques. Tout est aussi important. Dans les arts plastiques la façon dont nous créons physiquement un produit final est aussi important que les idées derrière celui ci. Un ne peux pas exister sans l’autre.

Rian Dundon (5)
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Yuhui Liao-Fan: Pouvez-vous décrire plus en détail votre relation avec la Chine?

Rian Dundon: Comme je l’ai dit, j’ai vécu en Chine de façon intermittente entre 2005 et 2010, d’abord dans le Hunan et plus tard à Beijing et à Shanghai. A l’origine ma copine avait obtenu un emploi là-bas alors j’ai déménagé avec elle. J’aime beaucoup la Chine et je parler de façon compréhensible le mandarin. Je continue a aller en Chine en raison des bons amis que j’ai rencontré las-bas au fil des ans. Et la bouffe est très bonne.

Rian Dundon (4)
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Yuhui Liao-Fan: Est-ce que en Chine est fondamentale de vivre dans une très grande ville ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Rian Dundon: Beaucoup d’endroits sont intéressants, uniques et important en eux mêmes. Certaines personnes préfèrent vivre dans les grandes villes, certains à la campagne. L’Internet n’a rien à voir avec la réalité tactile d’habiter un lieu.

Rian Dundon (3)
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Yuhui Liao-Fan: Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine ?

Rian Dundon: Avoir un site web n’est pas aussi important que faire des tirages et les regarder en vrai. L’Internet permet à nos travaux d’être vus par un vaste public transnational. Mais au fur et à mesure que ce public devient insensible aux subtilités des photographies, cela veut dire que Internet peut également déprécier l’impact de nos images. Je pense que aujourd’hui les gens sont moins capables d’établir des connections avec des photos. Nous voyons trop d’images (et en tant que photographes, nous produisons trop de photographies). Notre sens de la vue s’est émoussé. Je pense que les photographes doivent faire moins de photos, mais plus intelligemment. Nous avons besoin de passer plus de temps à regarder nos images et penser à ce qu’elle veulent dire avant de les jeter sur l’Internet. Réalisez d’abord des tirages, puis inquiétez vous au sujet d’un site web.

Rian Dundon (2)
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Yuhui Liao-Fan: Quel sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ?

Rian Dundon: Three Shadows Photography Art Center à Beijing.

Yuhui Liao-Fan: Quel sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ?

Rian Dundon: Zhang Hai’er. Intimité et proximité avec les gens. Je n’ai connais pas la totalité de son travail, mais ce que j’ai vu est vraiment beau. Li Yu and Liu Bo. Leur projet « 13 months in the year of the dog » est fascinant. Zhou Hai. Atmosphère.

 

Visitez le site de Rian Dundon pour plus d’informations et photographies documentaires.

Rian Dundon (1)
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Interview avec Madi Ju /fr/2011/interview-madi-ju/ /fr/2011/interview-madi-ju/#respond Fri, 22 Apr 2011 16:42:36 +0000 /?p=4401 Related posts:
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Madi Ju (16)
© Madi Ju
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Interview de Madi Ju par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Madi Ju : Pour moi, il s’agit d’une auto-thérapie.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Madi Ju : Originaire de Wu Han, j’ai étudié le français à Guangzhou. J’y ai travaillé pendant un an, ensuite je suis partie en voyage au Népal tibétain. A mon retour, j’ai déménagé à Xiamen, un an après, à Pékin. Entre temps, je travaillais dans l’édition des magazines. La photo est une passion ou un profession auxiliaire.

Madi Ju (15)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Quel est votre histoire de photographe ?

Madi Ju : Lorsque j’étudiais à Guangzhou, je suis entrée en contact avec le magazine Visual Networks de la compagnie Coldtea et surtout rencontré le rédacteur en chef et photographe, Alex So. Et c’est de cette manière que j’ai commencé la photo.

Madi Ju (14)
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Yuhui Liao-Fan : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Madi Ju : Je pense que j’utilise la photographie pour observer la vie et créer des liens sociaux. Mes travaux ont beaucoup de significations pour moi, ils m’ont aidé à corriger les problèmes de caractères. Je réfléchis sur des question de la vie à travers ce moyen, c’est pour cela que la photographie est une auto-thérapie.

Madi Ju (13)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Vous dites que la photographie est une auto-thérapie, qui vous aide à corriger vos problèmes de caractère. Est-ce que vous pouvez approfondir ce point ?

Madi Ju : Beaucoup de gens voient pour la première fois mes photos pourraient penser que je suis assez folle. Mais dans la vie quotidienne, je suis une personne assez calme. Peut-être c’est parce que les photographies compensent les choses que je n’arrivent pas à réaliser physiquement, en tout cas, faire de la photo me permet d’ouvrir réellement mon cœur, que cela soit ma relation avec d’autrui ou ma façon de vivre.

Madi Ju (12)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Vous dites aussi que la photographie aide à créer des liens sociaux. Est-ce que vous photographiez uniquement vos amis et la photographie est un support qui permet de créer des liens encore plus forts ? Ou grâce à la photographie vous rencontrez des inconnus avec les quels vous tissez des nouveau liens ?

Madi Ju : La plupart du temps, je ne photographie que les gens que je connais, mais parfois, je photographie aussi des gens que je ne connais pas. Cela n’arrive que s’il y a une certaine connexion qui se produit au moment opportun avec la personne concernée. La photo est juste un médium, non pour m’aider à connaître plus de gens, me faire des amis ou de créer des liens sociaux. La photographie est surtout une partie intégrante de ma vie, qui me permet d’avoir un lien plus intime avec la monde.

Madi Ju (11)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que vos photos ont une connotation narrative ? Est-ce que la personne qui regarde vos photos grâce à celles-ci peut avoir un accès à votre vie et comprendre votre histoire ? Ou vous et les personnes dans vos photos vous étés les seuls qui peuvent accéder au contenu narratif des images ?

Madi Ju : J’aime l’idée de raconter une histoire à travers la photographie, j’espère aussi que les gens arrivent à voir une histoire à travers elle. Après, que les gens arrivent à voir de quelle histoire s’agit, cela ne me concerne pas nécessairement, car dès l’instant où la photographie s’est séparée de moi, la façon dont elle est interprétée et comment est-elle interprétée n’est plus sous mon contrôle.

Madi Ju (10)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que vos photos ont une valeur historique, sociologique et documentaire car elles représentent la vie des jeunes chinois d’aujourd’hui ? Ou ce qui est important est votre implication personnelle, vos souvenirs et vos amitiés ?

Madi Ju : Je ne réfléchis pas de cette manière, mais je pense que les photographes qui photographient la Chine et la jeunesse chinoise actuelles, pourront laisser quelque chose aux valeurs que vous venez de citer. Ceci ne se réalisera que si nous y mettons tous.

Madi Ju (9)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Dans vos photos vous utilisez l’esthétique propre aux photos instantanés. Est-ce qu’il s’agit de véritables instantanées prises sur le vif ? Ou vous utilisez juste le langage de la photographie instantanée mais il s’agit d’images plus étudiés ?

Madi Ju : En effet, elles sont pour la plupart réalisées en temps réel sur le vif. Parfois, lors de la prise de photographies commerciales, il y a besoin de recréer une beauté semblable à celle de la réalité à l’instant présent, mais souvent, cet instant en soi, me paraît pâle. Je pense cela est du à mon penchant pour la photographie qui arriver à saisir la richesse et le réalisme des instants passés.

Madi Ju (8)
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Madi Ju : J’ai commencé par des appareils automatiques et manuels d’occasion. J’ai rencontré par mal de soucis du au posemètre. Mais au départ, je photographiais pour le plaisir, ne me souciant point de la technique, ni de la précision d’exposition. Par la suite, j’ai commencé à remplacer les équipements voulant trouver plus de sensation à mes photos. Actuellement, j’utilise le Leica M6 et le Canon 5DII. Ils sont à la hauteur de mes exigences, j’en suis satisfaite. Je fais quelques simple travail de retouches mais cela reste très minime. Généralement, un style personnel se transmet et est accompli lors de la prise de vue.

Madi Ju (7)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Madi Ju : Pour moi, les messages que je souhaite transmettre sont plus importants dans mes travaux actuels. Je pense que l’aspect techniques est tout aussi important, mais c’est une question de goût. Personnellement, c’est une question d’étape.

Madi Ju (6)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que la photographie contemporaine chinoise est différente de celle occidentale ? Si oui quelles sont ces différences et comment les expliquait vous ? Est-ce que vous pensez qu’on peut parler d’une « école chinoise » ou la photographie aujourd’hui est globalisée ?

Madi Ju : A ma modeste connaissance, je trouve que la photographie américaine mette l’accent sur le documentaire et sur la recherche d’une sorte d’extravagance. Europe est particulièrement centrée sur l’expression des concepts. La Chine se tâtonne encore, mais s’approche d’avantage du modèle américain. Il y a même des artistes de performance qui se sont convertit en photographes d’art. Je pense qu’il n’y ait pas trop d’intérêt à délimiter les genres. Cependant, dans le contexte, j’en suis ravie de constater que la plupart des photographes chinois cherchent consciencieusement à réfléchir sur notre propre vie.

Madi Ju (5)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que vous plait et vous déplait dans la photographie contemporaine chinoise ?

Madi Ju : J’espère que la photographie contemporaine chinois soit un peu plus diverse, surtout dans le milieu des galeries et au niveau des critiques de diffusion – On pourrait être plus souple.

Madi Ju (4)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, tant pur ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Madi Ju : Idem à ce que je viens de citer ci-dessus. Personnellement, j’espère aller plus loin, être plus sauvage dans ma photographie et mes réalisations.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que en Chine est fondamentale de vivre dans une très grande ville comme Pékin ou Shanghai ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Madi Ju : Je n’ai jamais considéré cela comme une condition de base. De plus, il faut voir s’il s’agit de la photographie commerciale, documentaire ou artistique. Il y a énormément de photographes qui habitent à Chengdu, Harbin, ou voyagent constamment.

Madi Ju (3)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Madi Ju : Il faudrait parler de cela sur le plan de la promotion et de la publicité. Beaucoup de mes lecteurs (étrangers) me connaissent grâce à l’internet. L’anglais est un moyen de diffusion. Mais il y a aussi des photographes qui ne pensent qu’à créer et non à diffuser et à promouvoir leur travail. L’idéal c’est qu’il y ait un dispositif de gestion et de promotion afin de mieux aider les photographes à se concentrer que sur la création artistique. Pour le moment, je suis favorable à internet, j’espère que les gens s’en servent d’avantage.

Madi Ju (2)
© Madi Ju
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Yuhui Liao-Fan : Quel sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ?

Madi Ju : 3030 devrait avoir sorti un livre concernant la photographie contemporaine. Il y a aussi Fotoyard et les blog sur web comme Simple Style, Jia Zazhi, Gongchan Shaonian Tuan, 1416 Jiaoshi, Ren Yue, etc.

Yuhui Liao-Fan : Quelque nom de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et pourquoi ?

Madi Ju : Zhang Jun Gang et Li Jie qui habitent à Harbin. Je m’intéresse personnellement à la culture des jeunesses. Selon moi, ils sont avant-gardistes sur le travail de la vie des jeunes, ils ont réussi à photographier la vie réelle des jeunes chinois. Leur transformation/évolution antérieur représente une réflexion modeste et idéaliste.

J’aime aussi beaucoup les photographes Shanghaiens Qin Touyi et Niaotou. Le travail de Qin Touyi correspond totalement à l’esprit et l’esthétique que j’aime, Niatou est une sorte de poésie de la rue que je n’arrive pas à attendre, ces sont des photographes extrêmement violents, j’aime vraiment beaucoup.

Madi Ju (1)
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Interview avec Chin-pao Chen /fr/2011/chinpao-chen/ /fr/2011/chinpao-chen/#respond Wed, 20 Apr 2011 18:56:20 +0000 /?p=4397 Related posts:
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Chin-pao Chen (12)
Circumgyration - Deng Kong Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Interview de Chin-pao Chen (陳敬寶 – Chen Jingbao) par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Chin-pao Chen : Pour moi, la photographie est un prétexte pour redécouvrir et redonner une définition à la notion de moi et d’autrui (moi, tous les autres, les choses et les objets).

La photographie possède une sorte de précision mathématique, elle peut reproduire les fragments de l’espace-temps. A travers cette action, accompagnée de mes observations et notes, je mets ensemble une interprétation du monde.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Chin-pao Chen : Je suis né en 1969 à Matsu1. Actuellement j’habite à Danshui à Taipei (une ville au paysage magnifique et au passé glorieux).

Diplômé des beaux-arts en 1989 à « National Taipei University of Education », j’ai commencé par enseigner dans une école primaire à Matsu pendant 5 ans. Puis je suis parti vivre à New York pendant 3 ans pour étudier la photographie dans une école d’arts visuels et par la suite obtenir le BFA2. En 1999, je suis revenu à Taiwan pour enseigner dans une école primaire à Danshui, où je travaille encore aujourd’hui.

Parallèlement, je développe activement des projets d’art photographique.

Chin-pao Chen (15)
Circumgyration - Deng Kong Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Quel est votre histoire de photographe ?

Chin-pao Chen : A ma deuxième année d’enseignement à Matsu, à la veille de l’instauration de la loi martiale entre Taiwan, Jinmen3, les Îles Penghu4 et Matsu, j’ai commencé à réaliser que Matsu avait joué un rôle colossal, étant en première ligne du champ de bataille. C’est là que j’ai décidé d’utiliser la photographie afin de dresser un portrait de cette époque. J’ai voulu immortalisé l’aspect de ma ville natale à une période particulière. Ceci a déclenché une vaste curiosité et de possibilités d’exploration utilisant la photographie comme matériel de transmission médiatique. Ce qui m’a emmené plus tard à aller étudier la photographie en Amérique pour approfondir ma connaissance en matière.

Chin-pao Chen (14)
Circumgyration - Deng Kong Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Pouvez vous décrire votre travail ? Comment définiriez vous vos photographies ?

Chin-pao Chen : Depuis longtemps, je ressens un profond regret car la photographie artistique à Taiwan n’est toujours pas enseignée comme une discipline officielle.

Du noumène au pratique, elle possède de multiplies expressions de forme médiatique : photographie en studio, nouvelles journalistiques, photos familiales, chasse de star par les paparazzi… Bien que dans tous ces cas là, on utilise un appareil photographique, les différences entre toutes ces expressions artistiques et ces styles sont innombrables. Alors, utiliser la photographie comme un moyen d’expression artistique nécessite de la patience et de la persévérance afin de se différencier et se démarquer par rapport aux autres pratiques de cette même discipline.

Avec le retard de Taiwan sur le plan de l’art photographique, l’arrivée des nouvelles technologies numériques n’a fait qu’accentuer ce défaut.

Je considère que les efforts dans mon travail personnel visent à me placer au centre de la photographie artistique, pour la compréhension et l’exploration de celle-ci.

Chin-pao Chen (13)
Circumgyration - Deng Kong Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Chin-pao Chen : Mon premier projet d’art photographique « Betel Nut Girls »5 a débuté en 1996.

Pour ce projet, j’ai utilisé une Rolleiflex avec des négatifs couleurs. Après je suis passée à la chambre grand format 4×5 pouces et même 8×10 pouces pour des travaux plus conceptuels. Jusqu’à maintenant j’utilise encore l’argentique pour des photos en couleurs ou en noir et blanc; mais j’ai remplacé le polaroid par le numérique pour fixer les moments présents comme une sorte de notes que je peux lire instantanément.

Je me suis rendu compte du manque de moyen en matière d’imprimerie à Taiwan, par conséquence, je scanne mes négatifs et j’imprime moi-même mes images. À présent, je ne fais quasiment pas de travail de retouche, j’utilise seulement le numérique et les techniques de chambre noir pour atténuer poussières et rayures du négatif.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que les aspects techniques que vous venez d’évoquer sont importants ou ce qui compte n’est que le résultat final ?

Chin-pao Chen : Personnellement, j’accorde relativement beaucoup d’importance à la réalisation des images. J’ai utilisé des scénarios écrits accompagnés des dessins pour mon projet « Circumgyration », dessins que par la suite sont mis en scène par les élèves de « cours moyen niveau »6. Pour la prise de vue j’utilise une chambre grand format mélangeant lumière naturelle et éclairage artificiel. Une fois la photo prise, je ne fais aucune intervention de retouche.

En réalité, je suis plus attaché au sens de mon travail.

Chin-pao Chen (11)
Circumgyration - Deng Kong Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Presque toutes les photographies que vous m’avez envoyé pour accompagner l’interview sont des diptyques, est-ce que vous pouvez commenter ce choix ?

Chin-pao Chen : Comme vous l’avez observé, en plus du projet de Deng Kong, les travaux que je vous ai envoyé sont des diptyques. Sur le même plan de travail articulé en deux images, le projet « Betel Nut Girls » et les paysages dans « Heaven on Eart » sont assez similaires, c’est une extension de l’espace-temps ; la série « Circumgyration » n’a pas le même sens des deux précédents.

Une photographie est un segment de l’espace-temps dans un flux de temps continu dans une espace infini. Les équipements photographiques ont sans doute un impacte sur le sujet photographié et son sens, cela constitue une « manipulation » ou une « transformation » consciente ou inconsciente. Par exemple, il est bien connu que la focale de l’objectif (grand-angle ou téléobjectif) change la perception de l’espace.

Autrefois, un photographe a dit : « peu importe le sujet photographié, paysage compris, celui-ci exigera une réponse de la part du photographe ». Ce que j’ai compris de cela est que, si j’arrive à utiliser un seul cadrage pour prendre en photo un certain sujet, j’en utiliserai qu’un seul. Cependant, dans certaines situations, si avec un seul cadrage, je n’arrive pas à obtenir ce que je veux faire apparaître (ou c’est que le sujet photographié exige que je fasse apparaître), dans ce cas là, j’utilise plusieurs cadrages différents (jusqu’à trois).

En terme d’espace, certains choisiraient peut-être d’utiliser un objectif grand-angle et prendre une seule photo. Personnellement, je pense que un objectif grand-angle change la distance visuelle et les interactions psychologiques entre le photographe et son sujet. C’est pour cette raison que j’opte pour un objectif standard plutôt qu’un objectif grand-angle, et j’utilise deux ou trois photos connectées dans une panoramique.

Chin-pao Chen (10)
Circumgyration - Lao Song Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Les diptyques des projet « Lao Song » dans la série « Circumgyration » sont différents. Le rapport entre les deux images du diptyque n’est pas le même que je viens de citer ci-dessus, il s’agit plutôt d’une annotation réciproque. L’image photographique de droite dérive du dessin à main et du texte écrit à gauche. En fait on peut dire également que c’est un rapport de subordination. L’idée est née l’an dernier quand, lors de l’exposition du prix de Musée des Beaux-Arts de Taipei, les supports acceptés étaient justement « documents et photographies ».

Yuhui Liao-Fan : Quel est plus précisément la différence entre le projet « Lao Song » et le projet « Deng Kong » ?

Chin-pao Chen : Le projet « Lao Song » est une suite du projet « Deng Kong ». J’ai commencé celui de « Deng Kong » neuf ans avant celui de « Lao Song ». Dès le début du projet « Deng Kong », j’avais pris conscience du processus particulier de la photographie documentaire. Pour cela, j’ai décidé d’utiliser une chambre grand format mélangeant lumière naturelle et éclairage artificiel pour réaliser des « mises en scène ». A cette étape-là, la source des images venait des élèves, de leurs observations dans la vie quotidienne (particulièrement en privé, dans les situations non officielles). J’utilisais différentes méthodes de travail pour le projet « Lao Song » (ça prenait environ une semaine, un temps relativement court). Puis j’essayais aussi d’approfondir des questions qui touchent parfois au « souvenir » dans le projet « Deng Kong ». De-là, je suis parti des dessins du fichier de questionnaire comme base pour réaliser ma photographie.

Chin-pao Chen (9)
Circumgyration - Lao Song Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Dans la série « Circumgyration » vous mettez en scène des situations pour, en quelque sorte, reproduire vos souvenirs, pour avoir la possibilité de réaliser des photos que vous n’avez pas faites. Cela me fait penser à un ami photographe qui tiens un journal intitulé « Les photographies jamais faites » dans le quel il décris des photos qu’il n’a jamais pu prendre, qu’il soit à cause d’une panne de matériel, parce qu’il n’avait pas d’appareil photo sur lui, pour une question de timidité, etc. Il y aussi plusieurs blog qui sont nées de la même exigence de fixer un acte qui n’as pas eu lieu, par exemple unphotographable. C’est un phénomène assez intéressant, et je pense pouvoir dire que beaucoup de photographes vivent avec nostalgie les occasions perdues, leur photos jamais faites. Est-ce que c’est le même pour vous ? Est-ce que la nostalgie est un des moteurs principal qui vous pousse à mettre en scène vos souvenirs ?

Chin-pao Chen : Oui. C’est exact.

Dans cette photo du projet Deng Kong, en réalité, il s’agit d’un moment qui s’est très rarement produit pendant mes années passées à l’école élémentaire, c’est presque un souvenir d’humiliation. Plus tard, arrivé au projet « Lao Song » et au projet de « Koganecho » à Yokohama, ce fut l’exploration de la mémoire des autres.

Je voudrais parler d’une chose personnelle : mon père a été hospitalisé à la veille du commencement officiel du projet « Lao Song ». Il est mort 15 jours après. Avant l’enterrement, je lui ai coupé la barbe ; mais je ne l’ai pas photographié.

Dans l’histoire de la photographie, je sais que pendant longtemps, elle a été utilisée pour photographier la dépouilles mortelle des proches. Le photographe japonais Nobuyoshi Araki, pense même avoir appris à photographier lorsqu’il prenait en photo ses proches défunts.
Je n’ai pas fait de photographies à ce moment là. Je considère même que, faire de la photographie à certain moment, c’est blasphème. Il est plus opportun de garder ces images en mémoire, puis les laisser disparaître avec moi.

Par contre, mes deux sœurs ainées ont pris papa en photo avec leur téléphone portable.

Chin-pao Chen (8)
Circumgyration - Lao Song Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Dans la série « Circumgyration » vous photographiez vos étudiants, âgés de 12 ans. Actuellement en Europe il est assez difficile de photographier les mineurs. Souvent les parents attachent beaucoup d’importance aux questions de la vie privé et des droits à l’image. Il y a aussi beaucoup de crainte concernant l’utilisation des photos par exemple dans des réseau de pédophiles. Personnellement je trouve que ces craintes sont en très grand partie exagères, et que un rapport plus paisible à la photographie serait envisageable. Est-ce que vous partagez cet opinion ? Comment demandez vous l’autorisation à photographier vos étudiants ? Quel est l’attitude des parents taiwanais vis-à-vis de votre projet? Quels sont leurs avis concernant la la question de vie privé et des droits à l’image ?

Chin-pao Chen : Depuis le temps où j’enseignais à l’école élémentaire de Deng Kong ou à Lao Song du quartier de Wanhua à Taipei où j’enseigne actuellement, je n’ai rencontré aucun problème pour la série « Circumgyration ». J’ai même reçu beaucoup de soutiens et de compréhension de la part des élèves, parents d’élèves et d’autres professeurs de l’école. En effet, à Taiwan, la prise de conscience des droits à la vie privée et à l’image n’est pas si élevé ; cela implique la prise de position de chaque pays avec ses différences culturelles.

Beaucoup d’amis étranger parlent de la bienveillance des taiwanais. Cependant, j’ai réalisé très tôt l’importance du respect de droits à la vie privée et à l’image envers les protagonistes de mes photos. Donc je fais rarement des instantanées dans les lieux publiques. Généralement je photographie qu’après avoir discuté et obtenu un accord des gens. Le projet « Betel Nut Girls » a été réalisé de cette manière là, de même pour « Circumgyration » avec les élèves et mon nouveau projet « Les gens ordinaires » en sera de même.

La série « Circumgyration » réalisée dans la ville de Koganecho à Yokohama avait rencontré peu de participation de la part des élèves et/ou des parents. J’ai été informé que cela était du aux parents très soucieux des droits à la vie privée et à l’image de leurs enfants. En tout état de cause, j’avais tout de même réuni quatorze réponses positives dans différentes écoles élémentaires japonaises et chinoises aux alentours de la ville de Yokohama. Malheureusement, il n’y a pas eu assez de participants, j’ai du réutiliser les mêmes personnages pour plusieurs images. La suite de « Circumgyration » aura lieu à l’école élémentaire de Hu Dong en Corée (jumelée avec Deng Kong), peut-être aussi à Shanghai. Les droits à la vie privée et à l’image seront les points importants que je suivrai de très près au moment de la réunion de participation.

Chin-pao Chen (7)
Circumgyration - Lao Song Project
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Depuis le milieu de la réalisation du projet « Betel Nut Girls », j’ai commencé à demander aux participants de signer une libératoire, je n’ai jamais donné de compensation financière, mais je leur donne une photo de 20cm en guise de remerciement.

Je suis d’accord du fait que les participants devraient avoir un esprit moins méfiant face à la photographie, mais si à cause de l’environnement dans lequel ils vivent, les gens n’arrivent pas à avoir plus de confiance et de sentiment de sécurité, nous ne pouvons hélas, rien y faire de plus.

Yuhui Liao-Fan : Dans la description de la série « Circumgyration » vous écrivez : « Plus j’étudie la photographie artistique contemporaine plus je mets en doute l’existence d’une “réalité”, et en particulier l’existence d’une réalité représenté par la photographie. Une photographie finalement est une morceau de papier avec une image photographique ». C’est un point de vue que je partage complètement. Pourtant, la majorité de la population, surtout les non spécialistes, considèrent que la photographie est en rapport mimétique parfait avec la réalité. Comment vous expliquait cela ? Comment on pourrait faire pour apprendre aux gens que la photographie ne représente pas forcement une réalité ?

Chin-pao Chen : Il s’agit d’une question d’éducation photographique. « La photographie est l’imitation parfaite de la réalité » fait partie des faits. D’ailleurs, c’est généralement l’impression la plus facile et directe du grand public. Concernant l’ontologie de la photographie, seuls ceux qui visent une meilleure compréhension et développent une recherche plus approfondies de la photographie auront l’occasion d’atteindre cette réflexion. Cela ne concerne pas seulement la photographie, beaucoup de gens (peut-être particulièrement à Taiwan), ont une compréhension et une pratique de la peinture, tout aussi biaisée !

Il faut avoir les moyens formels (écoles, associations, etc.), informels (médias, ou internet, etc.) et aussi faire des efforts par différents chemins pour apprendre la photographie aux gens.

Chin-pao Chen (6)
Circumgyration - Lao Song Project
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Dans la série « Lao Song projet » vous exposez à coté de chaque photo les dessins préparatoires qui ont servi pour la mise en scène. Cela me fait penser qu’il ne s’agit pas simplement de croquis, d’instruments de travail, mais qu’ils deviennent partie intégrante de l’œuvre artistique. Pourquoi vous avez pris cette décision ? Quel est le sens que vous donnez à ces œuvre réalisées mélangeant photographie, dessein et écriture ?

Chin-pao Chen : Le questionnaire iconographique et l’image photographiée coexistent pour former une œuvre. Comme j’ai déjà mentionné plus haut, en note/référence l’un de l’autre. Le questionnaire explique les images, leur mise en scène. En fait, je me posais souvent la question et je continue à réfléchir : est-ce que je montre qu’une image photographiée (en tout cas c’est le sens que comprend mon publique) ? Dans ce cas-là, le sens de mon œuvre serait-il très différent ? En même temps, je me pose la question, est-ce que je dois rajouter le questionnaire ou pas ? Et si le questionnaire est présent, dans ce cas là, quelle est la forme la plus appropriée ? Et comment ? C’est une question qui me revient sans cesse !

Je vois mon travail comme une « pseudo mémoire ». Autrement dit, mes photos utilisent la relation la plus étroite possible avec les supports de la mémoire. La mémoire n’existe que dans le cerveaux de gens où trouve son support physique. Cependant, une image n’est pas la mémoire elle même, tout au plus, elle n’est que une copie ou une reproduction. Tout comme la photographie elle même est une copie ou une reproduction de la réalité.

Chin-pao Chen (20)
Betel Nuts Girls
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Concernant le projet « Betel Nut Girls », est-ce que vous le concevez plus comme un travail de reportage ou comme un travail de photographie artistique ? Est-ce que cette distinction a un sens ou finalement c’est impossible de distinguer clairement ces deux domaines photographiques ?

Chin-pao Chen : A la première exposition de la série « Betel Nut Girls » en 1999, elle a été nommée « portrait documentaire », je pense encore aujourd’hui que cette appellation est juste. C’est-à-dire que cette série d’œuvres a véritablement transmis le contexte esthétique de l’art du documentaire. J’ai passé beaucoup de temps à réaliser cette série, on peut effectivement voir les différentes stades et évolutions de celle-ci (je n’ai pas parlé de cela dans ma page web, j’espère un jour pouvoir revenir sur ce contexte, réorganiser la version actuelle du site).

La question si une photographie est documentaire ou non, est déterminée pour moi par le moyen utilisé pour la réaliser et par le niveau d’intervention du photographe. Je considère que le véritable documentaire se réalise dans la plus grande discrétion, où le sujet est pris à son insu, comme dans les travaux de Walker Evans prenant en photo les passagers de métro à New York.

Chin-pao Chen (19)
Betel Nuts Girls
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Les magasins de noix de bétel sont extrêmement répandu à Taiwan, mais curieusement beaucoup de taiwanais sont gêné quand il s’agit d’avouer d’être consommateur. Cela peut être est aussi du à la forte connotation sexuel qui est impliqué dans le phénomène. Est-ce que les filles que vous avez photographié acceptent volontiers de poser pour vous ou c’est difficile de les convaincre ? Comme vous les avez approchées et qu’elles étaient leur réactions ?

Chin-pao Chen : Je crois comprendre que les véritables consommateurs de noix de bétel, la plupart des chauffeurs de taxi et des travailleurs ouvriers, ne se gênent absolument pas pour admettre cette dépendance. Les non-consommateurs de la classe moyenne ou supérieur, font des considérations d’ordre moral, d’un coup cela semble inconvenant. Une autre question qui entre en ligne de réflexion est celle de la santé, généralement, on ajoute des produits additifs dans les noix de bétel qui peuvent provoquer le cancer de la bouche.

J’ai commencé à travailler sérieusement sur la série « Betel Nut Girls » par une pure coïncidence. Je photographiais dans un magasin de noix de bétel pendant plus de six mois, à raison de une fois par semaine. Je leur donnait les photos de la semaine précédente, et j’en reprenais des nouvelles… Un an après, j’organisais ces photos, pour en faire un petit portfolio. Avec ce dernier en poche, je voulais photographier d’autres magasin de noix de bétel avec ses patrons et vendeuses et obtenir l’autorisation de les photographier. Les vendeuses acceptent plus facilement (environ 7 sur 10) que les patrons (relativement peu). En général, c’est avec le consentement des deux parties que je procédais à l’étape de la photographie.

Quand à la prise de vue, ce sont des portraits pour la plupart. Je ne leur demandais que de s’assoir ou s’appuyer, et rarement de s’accroupir… Parmi celles qui refusaient de se faire photographier, certaines avaient peur de se faire exposer, d’autres étaient bloquées par la honte de ce métier peu convenant, d’autres encore par la peur d’être découvertes par leur famille. Celles qui acceptaient de se faire photographier avaient aussi confiance en leur physique.

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Betel Nuts Girls
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Dans la série « Heaven on Eart » vous représentez le paysage taiwanais redéfini par la présence de nombreux temples, tombes et autels. Effectivement la religion est très vive à Taïwan, l’architecture religieuse est omniprésente et les temples anciens sont sans cesse reconstruit. Comment vous expliquait cela ? Pourquoi d’après vous la religion a tant d’importance dans la vie des taiwanais ?

Chin-pao Chen : Dans la série de « Heaven on Eart » je veux exprimer la relation entre la vie et la mort. C’est une relation invisible et complexe. A travers la métonymie des « habitations », je fais des recherches au sujet de la philosophie de la vie et de la mort, un champ dans le quel mes connaissances sont limitées. Ainsi, j’ai délibérément choisi de petit temples proche des habitations plutôt que de grand édifices imposants. De même pour les tombeaux, je ne cherche pas particulièrement à photographier les cimetières, je voulais montrer le lieu de repos des âmes mortes dans l’habitat des vivants.

A Taiwan, beaucoup de petits temples, appelés « Maître à dix milles réponses » sont en réalité des pierres tombales dédiées à un étranger mort hors de sa ville natale. Par le respect et la bienveillance envers ce dernier, les gens lui construisent un petit autel en souvenir. Puis, peu à peu, avec des extensions ou agrandissements, certains deviennent des structures géantes. Ceci reflète peut-être la vision des mort des asiatiques ou des taiwanais. Une fois, à Yilan, j’ai été profondément frappé à la vue d’une énorme cimetière sur une colline, très proche des habitations. Je repense et réfléchis à ces gens qui vivent à côté de ce terrain, ils doivent sans doute avoir une vision de la mort très différente de la mienne.

Chin-pao Chen (17)
Betel Nuts Girls
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Yuhui Liao-Fan : Quelque question maintenant concernant non seulement votre travail, mais la photographie chinoise en générale. Est-ce que vous pensez par exemple que celle ci est fondamentalement différente de celle occidentale ? Si oui quelles sont ces différences et comment les expliquait vous ? Est-ce que vous pensez qu’on peut parler d’une « école chinoise » ou la photographie aujourd’hui est globalisée ?

Chin-pao Chen : Bien que Mozi ait déjà remarqué le phénomène de transmission de la lumière, l’utilisation de la photographie comme un moyen de réflexion et comme une méthode de développement artistique a débuté en Occident. En Asie (Japon, Corée et tous les autres pays asiatiques), on a passivement accepté les techniques et les pratiques européennes de la photographie. Ce moyen de transmission médiatique est semblable à celui de la peinture à huile. Dans les années 70, grâce à sa particularité, la photographie a changé politiquement de relation par rapport à l’art. Probablement, c’est ainsi qu’elle est devenue le média le plus connu de l’art contemporain.

Je pense que l’art contemporain chinois a rapidement absorbé cette nouvelle tendance occidentale après l’ouverture du pays, c’est à dire, unir la photographie, l’art d’action ainsi que beaucoup d’autres techniques artistiques et stratégies à fin de réfléchir, analyser et dénouer la structure hermétique de l’art chinois. Personnellement, je pense que qu’il s’agit d’un apprentissage et d’un emprunt consciencieux. Ou alors, d’une identification.

N’utilise-t-on pas la photographie pour régler toutes sortes de questions dans le monde ? Par conséquence, je ne pense pas qu’il y ait une « école chinoise », mais au contraire ma vision du sujet est plutôt penchée vers une globalisation.

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Betel Nuts Girls
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Yuhui Liao-Fan : Comment la photographie chinoise a évolué au cours de dernières années ? Comment décririez vous l’histoire récente de la photographie en Chine ?

Chin-pao Chen : Je considère que Taiwan a été inspiré assez tôt par la photographie considérée comme un média d’expression artistique importé du monde occidental.

Déjà au tout début des années 80 (voir même plus tôt encore) il y a eu le retour à Taiwan des étudiants diplômés d’art qui étaient partis au Japon, en Amérique et en Europe en programme d’échange.

À cause de cela, pendant longtemps l’art photographique taiwanaise a subi l’influence du courant documentaire paysagiste et de la photographie en studio venues d’Amérique. Plus tard, la photographie documentaire et journalistique est devenue la pratique privilégiée des passionnés. Cependant, cette discipline (diffusée à moité pendant une courte durée) est toujours discréditée dans les universités. Heureusement il y ait de nombreux passionnés de la photographie à Taiwan, mais la plupart manquent d’informations, de connaissances et de pratiques en matière.

La Chine continentale a longtemps été sous une politique d’enfermement. Cependant, avec l’ouverture du pays et la puissance de la politique économique qui entraîne en développement extrêmement rapide, « la mode chinoise » est inévitable. De plus, suite à la pression qu’a été engendré par la Révolution Culturelle, le désire de s’exprimer à travers l’art est donc irréfrénable. Ainsi, l’utilisation de la photographie comme un nouveau moyen d’expression médiatique s’est diffusée massivement en Chine.

Personnellement, je pense que la réussite de cette discipline en Chine est due à la fusion de l’art de performance et de l’art conceptuel (courant assez proche de l’Occident), ce qui a déterminé sa renommé au niveau international en un temps record.

Chin-pao Chen (5)
Heaven on Earth
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Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que vous plait et vous déplait dans la photographie contemporaine chinoise ?

Chin-pao Chen : À Taiwan les gens ont la mauvaise habitude de considérer la photographie seulement comme une hobby. Jusqu’à présent elle n’a jamais été sujet de véritables recherches ou de grandes discussion dans les programmes scolaires. Beaucoup de gens choisissent de rester dans un mirage merveilleux de beauté. Peu de gens ont compris les tendances contemporains, chacun avance en solitaire, ne cherchant pas à unir sa passion en une plus grande force, ce qui explique la fragmentation et dispersion du milieu photographique.

En Chine, il y une élites artistiques nombreuses, qui utilisent consciencieusement (et il me semble de façon relativement correcte) le média photographie pour évoquer en profondeur les problèmes divers du pays, que cela soit sur le plan historique, économique ou sociologique…

Chin-pao Chen (4)
Heaven on Earth
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique, tant pur ce qui vous concerne que pour la photographie contemporaine chinoise ?

Chin-pao Chen : A mon humble avis : indépendamment de moi, utiliser la photographie comme un média d’expression ne peut pas exclure deux choses. Premièrement, comment faire ressortir la spécificité photographique (par exemple sa nature statique, sa reproductibilité…) pour représenter conformément ou montrer un certain sujet. Deuxièmement, comment pouvons nous grâce à une réflexion essentielle, pénétrer la photographie comme média et atteindre des possibilités nouvelles.

Yuhui Liao-Fan : Est-ce que en Chine est fondamentale de vivre dans une très grande ville comme Pékin ou Shanghai ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Chin-pao Chen : L’internet contribue sans doute à augmenter la visibilité du travail des photographes. Les grandes villes peuvent déclencher des interactions réelles, sociales et conceptuelles. J’habite dans le proche banlieue de Taipei. Je ressens une certaine frustration et anxiété dans les discutions de certains amis du sud du pays (Taizhong, Tanan) qui expriment l’impossibilité de vivre de leur passion à cause de la situation géographique. Habiter dans une grande ville n’est pas une condition absolue pour réussir et développer sa carrière photographique, mais – me semble-t-il – possède une certaine condition de soutien.

Chin-pao Chen (3)
Heaven on Earth
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ou un blog ? Est-ce que il est est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues par exemple en anglais ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Chin-pao Chen : Pour les photographes qui souhaitent communiquer et interagir avec les autres, il est très important d’avoir son blog ou son propre site internet. Les internautes viennent du monde entier, et si possible, le fait d’avoir l’anglais en page d’accueil contribuera à une plus vaste diffusion du travail du photographe et son interaction avec le public.

Être enfermé est le plus grand frein à la diffusion et au développement de la connaissance.

L’internet est sans doute un moyen efficace pour briser les limitations de frontières entres les pays, ainsi résoudre le problème géographique que nous venons d’aborder. La révision incessante et la communication d’informations concernant la photographie, donneront plus de flexibilités et de possibilités aux photographes indépendants et à l’ensemble des acteurs de l’univers photographique.

Yuhui Liao-Fan : Comment vous décrivez le milieu artistique et photographique en Chine ? Est-ce qu’il y a souvent des expositions, des festivals, des manifestations, etc ? Même question concernant aussi le milieu professionnel et commercial.

Chin-pao Chen : La situation artistique reflète la situation concrète de l’ensemble d’un pays. Pour rattraper ses retards, la Chine a développé activement sa position économique et a affiché dans le milieu artistique une grande envie de primer. Cela a engendré un engouement au près de nombreux artistes. Dans l’ensemble le résultat fut satisfaisant, mais après cet enthousiasme, essayer de comprendre qui étaient les pionniers, qui les ont simplement suivi et qui ne cherchaient que le consensus du publique, permettra de mieux comprendre et redéfinir cet art. Il est important pour moi de trouver les personnes, les éléments et les œuvres clés de l’histoire.

Le rapport entre l’art et la commercialisation qui l’accompagne est compliqué. La création d’une œuvre d’art est purement artistique et n’a aucun rapport avec le monde des affaires. Mais le développement fulgurant du capitalisme a triomphé au cours du vingtième siècle. Ce régime en soit ne serait pas coupable, mais sa fusion avec le milieu artistique originairement déjà complexe ne fait que rajouter d’avantage de complexité dans celui-ci. Initialement, on aurait pu chercher à comprendre le contexte et la place de l’art et des étude artistique, mais à cause des cInterview avec Chinpao Chen

Chin-pao Chen (2)
Heaven on Earth
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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Yuhui Liao-Fan : Quel sont vos sources de références pour la photographie contemporaine chinoise ? Livres, magazines, sites, blogs, etc.

Chin-pao Chen : L’art de la photographie en sept questions, de Ruan Yi Zhong (Sheying Jia Chubanshe) ; Dossier mélancolique, de Chen Chuan Xing (Xiongshi Meishu) ; Illumination, de Walter Benjamin, traduit par Xu Qi Ling (Taiwan Sheying Gongzuoshi) ; La chambre claire, de Roland Barthes, traduit par Xu Qi Ling (Taiwan Sheying) ; Photography : A Critical Introduction, de Liz Wells, traduit par Zheng Yuqing (Weibo Wenhua) ; Criticizing Photographs – An Introduction to Understanding Images, de Terry Barrett, traduit par Chen Chin Pao (Shijue Yingxiang Yishu).

Yuhui Liao-Fan : Pour finir, est-ce que vous pouvez citer quelque nom de photographes chinois que vous appréciez particulièrement et pourquoi.

Chin-pao Chen : En Chine : Wang Qing Song, Hong Lei, Hai Bo, Yang Fu Dong, Liu Zheng, Cui Xiu Wen.

A Taiwan : Zhang Zhao Tang, Wu Tian Zhang, Chen Jie Ren, Huang Jian Liang, Chen Wen Qi, Wu Zheng Zhang, Xu Zhe Yu, Chen, Shen Zhao Liang.

 

Visitez le site de Chinpao Chen pour plus de photos et d’informations.

Chin-pao Chen (1)
Heaven on Earth
© Chin-pao Chen (陳敬寶)
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  1. Les Îles Matsu 馬祖列島 sont un petit archipel de 19 îles et îlots dans le détroit de Taiwan, à moins de 20km du continent au nord-ouest de l’île de Taiwan.
  2. Equivalent d’un Bachelor des Beaux-Arts dans les pays anglophones.
  3. Jinmen 金門 est une île de Taiwan géographiquement très proche de Xiamen, c’est à dire du continent chinois.
  4. Les îles Penghu 澎湖 ou Pescadores (du portugais « pêcheurs ») sont un archipel de 90 îlots au large de la côte ouest de Taiwan, dans le détroit de Taïwan, couvrant une superficie de 141 km2.
  5. La noix d’arec, improprement appelée noix de bétel, est le fruit du palmier à bétel Areca catechu. Elle est consommée dans de nombreux pays d’Asie sous forme d’une préparation à mâcher avec la feuille de bétel. À Taiwan la noix de bétel est assez souvent vendue par des jeunes filles en petite tenue appelées 檳榔西施, littéralement « beautés du noix de bétel ».
  6. Les “cours moyen niveaux” sont les cours suivi par les écoliers taiwanais avant les 13 ans.
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Interview avec Rona Chang /fr/2011/interview-rona-chang/ /fr/2011/interview-rona-chang/#comments Sun, 17 Apr 2011 15:15:23 +0000 /?p=4396 Related posts:
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Moving Forward, Standing Still - Shaving Business, Wuhan, China. 2007
© Rona Chang
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Interview de Rona Chang par Yuhui Liao-Fan.

 

Yuhui Liao-Fan : Qu’est ce que c’est « la photographie » pour vous ?

Rona Chang : Pour moi la photographie est le médium que j’utilise pour comprendre et interpréter ma façon de voir le monde. Il s’agit d’un commentaire ou d’une réflexion de ce que je trouve fascinant, intéressant, et/ou source d’inspiration.

Moving Forward, Standing Still - The Collector, Puno, Peru. 2009
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez écrire une introduction biographique ?

Rona Chang : Je suis née en 1978 à Chungli, Taiwan. C’est une ville célèbre pour ses nouilles au bœuf. Quand je rentre à Taiwan, c’est la première chose que je mange dès que je descends de l’avion. Mes parents ont divorcé et ma mère, ma sœur, et moi avons déménagé aux États Units (Buffalo, NY) en 1985 quand j’avais sept ans. Nous avons ensuite déménagé à Queens, New York, quand j’avais huit ans.

Moving Forward, Standing Still - Fireworks, Kuanyin, Taiwan. 2008
© Rona Chang
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Queens est l’endroit le plus diversifié au monde et la plupart des cultures du monde sont représentées ici dans mon quartier actuel de Jackson Heights. Je n’ai pas une relation particulière avec la communauté chinoise. J’ai toujours aimé la diversité de New York et je pense que ce mélange de cultures est ce que j’aime plus. J’ai grandi avec des enfants de milieux très différents qui étaient lié uniquement par le fait que nous étions tous des enfants.
J’adore tout cela, surtout la nourriture incroyable qui est disponible ici. C’est un rêve des amoureux de nourriture par ici.

La famille de ma mère est originaire de Wuhan, en Chine. Mes grands-parents maternels ont fuis les communistes en 1949 et ont déménagé à Taiwan. Ma mère était le quatrième enfant, mais le premier de ses frères et sœurs d’être né à Taiwan. Sa sœur aînée a été laissée en Chine et elle vit toujours là-bas, à Wuhan. La famille de mon père est hakka, et ils ont vécu à Taiwan pendant environ 400 ans. J’ai des racines dans les deux endroits et la plupart de ma famille immédiate est de Taïwan. Je considère que « chez moi » se situe à Chungli et à Queens. Alors que beaucoup considèrent que je suis très américanisée, je suis profondément enracinée au même temps dans Taiwan et les États Unis.

Moving Forward, Standing Still - Oil Spill, San Francisco, CA, USA. 2007
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : Quel est votre histoire de photographe ?

Rona Chang : Je me suis toujours intéressé à l’art et quand j’étais enfant on me conduisait à assister aux cours d’une école spécialisés à Manhattan appelé La Guardia HS où je me suis spécialisé dans l’art. J’ai pris un cours de photographie et je suis tombée amoureuse avec ce médium. Je poursuivi en fréquentant l’école d’art du centre-ville à la Cooper Union pour l’avancement des sciences et des arts. Chez Cooper, j’ai pris un cours de gravure et un de typographie vraiment merveilleux, mais pour la plupart du temps, je n’ai fait que m’immerger complètement dans mon amour pour la photographie. J’ai pris toutes les cours de photo que j’ai pu trouver.

Pour mon travail quotidien, je photographie des objets d’art « plats » pour la numérisation et l’archivage d’art dans les musées, les sociétés historiques et d’autres institutions culturelles. Pour près de neuf ans, j’ai travaillé au Metropolitan Museum of Art. J’ai photographié tous les estampes japonaises, les peintures Indiennes, et les rouleaux chinois de la collection.

Moving Forward, Standing Still - Choclo Vendor, Puno, Peru. 2009
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pouvez dire quelque mots sur votre technique ?

Rona Chang : Quand je photographie, je fais très attention à ma composition, à la couleur, et au contenu. Je prends mes photos avec un Mamiya 7 et je les scannes avec un Imacon. Je suis assez minimaliste quand il s’agit de Photoshop. Essentiellement, je nettoyer la poussière due à la numérisation et j’ajuste la couleur pour représenter au mieux ce que je me souviens de la scène.

Moving Forward, Standing Still - Holding Their Breaths, Hierve el Agua, Mexico. 2010
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : Quelle est l’importance du voyage dans votre vie professionnelle et dans votre vie? Il y a quelque temps je discutai avec des amis qui avaient des avis divergents à propos du voyage et de la photographie. Un disait que seuls les photographes voyageurs peuvent ressentir l’essence des choses, parce qu’ils ont une approche nouvelle et impartiale aux lieux dans les quelles ils se trouvent, par rapport à la vision biaisée de la population locale. L’autre disait tout le contraire, les photographes doivent explorer leur environnement immédiat, car quand ils sont dans des lieux inconnus, ils sont incapables de les « comprendre » vraiment. Je pense que les deux approche sont valables, mais quel est votre point de vue sur cette question ?

Rona Chang : Le voyage a toujours joué un rôle important dans ma vie. Avoir grandi dans le Queens m’a permis d’être à l’aise quand on entends différents langues. L’offres de nourriture ethnique m’a rempli de curiosité sur les autres cultures. Avoir des amis, dont les familles -comme la mienne- étaient originaires de la moitié du monde était la norme. Il était naturel pour moi de voyager et d’explorer le monde d’où mes voisins sont issus.

J’ai voyagé dans beaucoup de ces endroits pour les photographier et à acquérir une compréhension de ces cultures qui me fascinent. « Moving Forward, Standing Still » a commencé par hasard pendant mon premier voyage en Chine en 2000, dans une rue de Shanghai. Même si j’ai l’intention de poursuivre le projet, je commence à me concentrer sur des endroits spécifiques. La partie du projet dédiée à Queens représente un cercle complet: voir le monde, réexaminer mon environnement familial immédiat et puis voir à nouveau le monde dans les quartiers de Queens.

Moving Forward, Standing Still - Fixing the Colosseum, Macau, China. 2008
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : Je pense que vous êtes particulièrement intéressée par l’espace. Pouvez-vous décrire et expliquer cette fascination ?

Rona Chang : J’ai une tendance à essayer de réorganiser les choses plusieurs fois dans un espace pour voir ce qui convient le mieux. Quand j’étais enfant, j’ai souvent réarrangées les meubles quand ma mère était au travail et pour la surprendre à son retour. La photographie conserve une grande partie de la même fascination pour moi. Je regarde tous les éléments et je me promène pour voir quelle perspective donne la meilleure composition, pour trouver un point de vue que je trouve intéressant et attendre que les personnages se mettent en position.

The Hold Over Water - Clouds Lifting, Shihmen Dam, Dasi, Taiwan. 2002
© Rona Chang
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Yuhui Liao-Fan : En simplifiant un peu, on peut dire que les photographes de paysages en générale prennent des photos de lieux spéciaux, surtout pour leur beauté intrinsèque. Dans votre cas, vous essayez de faire un portrait de la société à travers les paysages. Pouvez-vous en dire plus sur ce point intéressant ? Comment le photographe peut utiliser un paysage pour représenter la société contemporaine ?

Rona Chang : Pendant de nombreuses années je n’ai fait que des paysages (sans personne), mais j’ai toujours essayé de créer des images intéressantes plutôt que de simples belles images. « The Hold Over Water », une série d’images qui explore mon admiration pour les sites de gestion de l’eau, sont des paysages, bien que spécifiques à un sujet qui est important pour moi. Comme je l’ai mentionné plus haut, « Moving Forward, Standing Still » a commencé par hasard. Je n’ai pas commencer à penser au projet comme une série jusqu’à ce que j’aie un certain nombre d’images que marchaient ensemble et qui se détachait de mon travail précédent.

The Hold Over Water- Fog Lifting, Laudat, Dominica. 2003
© Rona Chang
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J’ai commencé à explorer le concept de photographier la société par le biais des gens dans le paysage. Les personnages dans le cadre racontent une histoire. Ça peut être une scène ou une histoire sur un mode de vie, une activité quotidienne, ou une interaction qui peut être locale ou universelle. Ces images m’ont permis de penser à mes connexions et similitudes avec mes sujets et -dans le même temps- comment nos vies sont intrinsèquement différentes.

Certaines de ces images peuvent sembler intemporelles ou non spécifiques à un certain lieu, mais racontent chacune une histoire intéressante. Par exemple, la photo « le cordonnier », a été prise en Emhurst, Queens. Sa mise en place, en face de la bibliothèque publique, est la même que j’ai vu dans de nombreuses régions du monde. On pourrait seulement imaginer que cette photo a été prise aux États-Unis parce que son insigne est en anglais et en chinois. C’est une figure dans le paysage culturel du Queens, un endroit qui est décidément à la fois locale et mondiale.

Moving Forward, Standing Still - The Cobbler, Elmhurst, NY, USA. 2010
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Yuhui Liao-Fan : Plusieurs de vos photos montrent des personnes dans des situations vaguement étranges. Pensez-vous que vos images ont une approche narrative ou vous êtes à la recherche de quelque chose de différent?

Rona Chang : Je ne pense pas nécessairement que mes images aient une approche narrative. Je pense à elles comme à un moyen de partage de révélations culturelles. Je vois une scène, des acteurs qui font une représentation, mais pas toujours les mouvements de toute une histoire. Il y a en elle quelque chose que vous et moi sommes peut être en mesure d’identifier et d’autres parties que nous ne pouvons pas, et cette dynamique représente ce qui maintient haut mon intéres dans la recherche de ces compositions.

Moving Forward, Standing Still - River Bathing, Lensvik, Norway. 2010
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que d’après vous il est fondamentale de vivre dans une très grande ville ou -par exemple grâce à internet- la ville dans la quelle on habite n’est plus un choix obligé ?

Rona Chang : Bien que j’aime beaucoup New York, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de vivre ici ou toute autre grande ville pour faire du bon art. C’est un sujet qui revient toujours entre mon ami Alejandro Cartagena et moi. Il a fait un beau projet, Suburbia Mexicana, fondée sur son environnement dans le nord du Mexique. Alejandro n’est pas limitée par son environnement, mais l’utilise plutôt comme son inspiration, ou l’incitation à faire un travail utile.

Moving Forward, Standing Still - Play, Lensvik, Norway. 2010
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous pensez que c’est important d’avoir un site internet ? Est-ce que il est fondamental qu’il soit traduit en diverses langues ? Comment internet contribue à la diffusion de la photographie contemporaine chinoise ?

Rona Chang : Les sites Web sont une merveilleuse façon de partager son travail. Il ne sont pas indispensable mais représentent une bonne façon de se présenter au public. Pour moi, c’est un outil d’édition et une bonne façon de garder les choses à jour. Je pense que les sites Web devraient être en anglais ou bilingue si possible. Internet est une excellente manière de rendre les choses plus accessibles à un public plus large, mais il reste encore très important d’aller voir une exposition en personne. L’exposition récente « Stieglitz, Steichen et Strand » au Met en est un bel exemple.

Moving Forward, Standing Still - Eid Candy, Jackson Heights, NY, USA. 2010
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Yuhui Liao-Fan : Est-ce que vous avez un vœu ou un rêve photographique ?

Rona Chang : Mes ambitions photographiques concernent principalement de travailler sur un projet dans le quel je crois, en penser la réalisation, et le présenter. D’autre part, ma liste de souhaits concernant les voyages ne cesse de croître.

Moving Forward, Standing Still - Shoveling Snow, Elmhurst, NY, USA. 2010
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Yuhui Liao-Fan : Êtes-vous familière avec la photographie contemporaine chinoise ?

Rona Chang : Je sais très peu de choses sur la photographie et l’art chinois contemporain. Une grande partie de ce que j’ai vu semble très romantique, même si il ne s’agit pas d’un commentaire absolue. Un photographe chinois qui j’admire profondément est Sze Tsung Leong. Il est né au Mexique, il est britanniques et américains donc il a lui aussi un intéressant passé multiculturel.

 

Visitez le site de Rona Chang pour plus de photographies !

Moving Forward, Standing Still - Mian (noodles), Flushing, NY, USA. 2011
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Interview avec Olivier Roller /fr/2011/interview-avec-olivier-roller/ /fr/2011/interview-avec-olivier-roller/#respond Tue, 01 Mar 2011 08:47:16 +0000 /?p=4370 Related posts:
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Olivier Roller (11)
© Olivier Roller
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Camera Obscura : Est ce que vous pouvez vous présenter ?

Olivier Roller : Je m’appelle Oliver Roller, photographe. Longtemps je n’ai pas osé dire que je l’étais photographe trouvant ça un peu « honteux ». Pour moi, le photographe c’était une personne sur les terrasses, qui ne savait pas quoi faire de sa vie et qui se disait photographe, pour aller voir les filles (rires). Pendant longtemps, j’oscillais sur la définition de mon activité. Et là, maintenant, j’arrive enfin à assumer au bout de plus de 10 ans le fait d’être ce que je suis. Mais je n’aime pas être résumé à un mot «valise». Le terme « photographe » recouvre des gens qui font des activités qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, et donc pour être plus précis, je dirais que je fais des photos, je photographie «type de gens», une personne à la fois, et relativement près. Quant à mon parcours, j’ai tout appris tout seul. Un jour je suis rentré dans une boutique je suis reparti avec un appareil, que j’ai échangé et ainsi de suite. Quant à mes études, j’ai étudié la science politique et le droit à Strasbourg. La photographie c’est avant tout dire ce que l’on a au plus profond de soi.

Olivier Roller (10)
© Olivier Roller
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Camera Obscura : Qu’aimez vous dans votre studio ?

Olivier Roller : La première chose, c’est qu’il est sur le même pallier que mon appartement (rires). Pendant longtemps j’ai travaillé dans mon salon. Le week-end, il y avait des ministres qui venaient, des grands chefs d’entreprise. Et naturellement, mon fils qui avait deux ans à l’époque, il voulait absolument faire une photo «avec le monsieur». Le ministre était là avec tout son staff, et mon enfant faisait les oreilles de lapins derrière son dos, donc du coup c’était moins crédible, moins professionnel. Mais moi j’appréciais beaucoup ce décalage. Ce que j’aime dans ce lieu, c’est qu’il est petit, à ma dimension : en 3 pas, je n’arrête pas d’arpenter ce lieu tout au long de la journée. Je peux faire mes photographies, les retravailler, collaborer avec mes assistants. On est dans cet espace ramassé où j’ai besoin, tout comme dans mes photos, de toucher les gens près de moi, d’avoir la bonne distance physique près de moi, d’être dans cette problématique. Être dans 500 m2 dans un loft, cela m’ennuierait.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Ou puisez vous votre inspiration ?

Olivier Roller : Sans doute dans des sources multiples. Je pense que, si je dois rapporter ca à mon passé, cela est rapporté à mon enfance. Je n’ai jamais connu mon père, il est parti lorsque j’avais 6 mois, et ma mère a tout jeté ensuite de lui (lettres et photos). Comme par hasard, je suis par la suite photographe, et je capture des garçons qui pourraient avoir l’âge de mon père, pour caricaturer. L’inspiration quelque part vient de là. Tout tourne autour d’une faille qui a eu à un moment donné, pour tout artiste. Cela peut être dramatique, à son niveau ou au niveau d’un événement historique. Mais pour chacun, il y a cette faille. La photographie est un langage, et que je me sers de la photographie pour parler.

Olivier Roller (8)
© Olivier Roller
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Camera Obscura : Pouvez vous m’expliquer comment vous procédez pour travailler ?

Olivier Roller : Je travaille dans deux cadres différents. Dans celui de la commande tout d’abord. Mais je peux aussi travailler sur des projets personnels, et je vais solliciter des gens pour les convaincre. En définitive on arrive à la même chose : le photographe face au photographié, un face-à-face. Ce qu’il y a de formidable dans le portrait, c’est ce qui cela échoue, c’est de la faute du photographe. Dans le reportage, tu imagines comment la situation va se dérouler. Dans le portrait, la personne arrive et se demande ce que tu vas faire d’elle. Il faut alors prendre les choses en main. Moi, j’ai besoin d’un cadre qui ferme le plus possible l’image, un fond qui enlève le décor, de la lumière maitrisée. Les gens sont assis en face de moi, nous mettant ainsi dans une typologie qui fait que l’on ne peut pas beaucoup bouger. On est comme ainsi dire bloqués. A partir de la, j’associe cela en plus avec un temps de production qui est très court. Aujourd’hui je travaille sur le pouvoir, mais la naissance de ce travail vient du fait que j’ai toujours pensé que le travail photographique était une relation de pouvoir en elle-même. A un moment donné, le photographe doit pouvoir dire au photographié : « voila ce que nous allons faire ». Moi je n’ai aucune idée avant la photo de ce que je vais faire. J’ai toujours ce cadre, qui me rassure. Je vais rentrer en interaction. En fonction de la réaction et de mon état, la relation ne sera pas la même. La séance sera unique. Déjà, j’utilise un fond uni qui permet d’enlever le décor. Mes yeux ne vont pas que regarder les traits, je suis aussi attirer par tout ce qui est autour de toi. Si tu n’as rien autour de toi, avec un fond simple, tu te retrouves «coincé» sur le visage. Tu ne peux pas aller dans un détail qui va perturber. Dans mes influences, il y a les peintres de la Renaissance, et un truc que je déteste chez eux c’est tous ces éléments de symbolisme qui s’accumulent. Tous les éléments sont la parce qu’il y a une signification, mais je trouve cela trop encombrant. Si je fais des photographies, c’est parce qu’un j’ai lu une phrase du cinéaste Robert Bresson disait : «sois sur d’avoir épuisé ce qui se communique par l’immobilité et le silence». On est dans un monde du «zapping», où tout est en flux, et au final, ce que je retiens, c’est peu de choses. La photographie, c’est quelque chose de fixe, et qui oblige à regarder.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Est ce vous rêvez de photographier des personnes précises, un but précis dans tout ce que vous faites ?

Olivier Roller : Depuis un an, mon travail est de photographier le pouvoir en France au début du 21e siècle. Donc de décliner le pouvoir par des groupes de gens : politiques, publicitaires, financiers, etc. il y aura même une série de «conseillers». J’adore ce terme, il est aussi un mot «valise» qui ne veut rien dire. Et mon but est de résumer une société par ceux qui la dirigent, ceux qui ont une influence sur le chemin que prend la société et d’en laisser une trace. Dans mes travaux, je dois moi, photographe, prendre sur le pouvoir sur le photographié. Je suis d’autant plus à l’aise lorsque la personne en face de moi tente de me « faire faire » ce dont elle a envie. Si je dois provoquer, faire quelque chose pour que cela sorte, ca devient beaucoup plus intéressant. Donc, à chaque fois que l’on fait un zoom arrière sur ces «confrontations», au lieu d’avoir deux personnes, on est face à la société. Ça c’était mon idée de base. Ensuite, je trouve que dans une raison plus politique dans un sens noble, nous sommes beaucoup trop désengagés, et désinvestis de la politique. A un moment donné, c’est aussi pour questionner le fantasme des hommes de pouvoir. C’est un peu de mettre le doigt sur les fantasmes charriés. Je ne montre jamais mon travail avant qu’il ne soit fini. Les photographiés, j’ai toujours été honnête avec eux en leur proposant d’aller voir mon site internet, avec mes photographies personnelles. Quand ils viennent, ils ont vu auparavant ce que j’ai pu faire, et ils savent. Ils savent que cela fait parti d’un projet, pour un travail personnel. Eux, ne voient rien des photos. Je leur dis qu’ils vont recevoir, à la date de mon choix, une photographie qui sera exclusivement mon choix.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Avez-vous un projet dont vous êtes le plus fier ?

Olivier Roller : Je suis fier de rien, enfin, je doute constamment. Tu ne sais jamais si ce que tu fais est juste. Tu essaies simplement de te dire que tu fais quelque chose pour toi. J’ai plusieurs raisons de le faire, mais la principale je pense reste le fait que j’aime photographier les gens. Il ne faut pas chercher à trop savoir les raisons pour lesquelles on fait quelque chose. A un moment donné, il faut que je sente quelque chose, que cela me bouleverse. Après les photographies que je préfère, si je devais choisir, il y a d’un coté la première photo que j’ai faite pour moi, celle de Jeanne Moreau. De l’autre, les travaux sur les publicitaires m’ont marqué. Je n’en connaissais aucun et je n’ai pas d’intérêt pour la publicité, et ces personnages sont très touchants, ce sont des vieux « dinosaures ». Et ce qui m’intéresse dans le pouvoir, c’est qu’on peut le prendre comme une œuvre de puissance, et on peut aussi le prendre dans l’autre sens. En 2007, quand je photographie des ministres, c’est au moment où face à Sarkozy, la fonction de ministre est plus « un valet de chambre ». Je photographie aussi des publicitaires, alors que cela fait 20 ans que l’âge d’or de ce domaine est révolu. De même pour les financiers face à la crise. Là où ça devient intéressant, c’est lorsque la personne peut vaciller, et c’est ce que je recherche dans une relation photographique, réussir à capter ce qui est fort mais peut être aussi tangent.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Etes vous un grand consommateur de médias ?

Olivier Roller : Oui, je les mange. je lis toute la presse, le papier, le web, la radio, peu importe. Toutes les semaines je feuillette, je lis un article, je m’abonne. Tout n’est pas bon dans tout média, mais il y a des choses qui vont m’intéresser, d’autres non, je sélectionne. A défaut d’aimer quelque chose, rien que le fait de comprendre ce que fait une personne, cela permet de voir une certaine honnêteté chez la personne et de comprendre où celle-ci va. Je passe mon temps à me vider lorsque je fais des photos, et j’ai besoin de me nourrir après. Je lis aussi des romans, des trucs qui servent à rien, des livres parfois ennuyeux, et j’ai du mal à tout finir, mais au moins j’ai parcouru des pages. Et tout est formidable. Concernant Fubiz, à un moment donné, je pense que cela pourrait être intéressant d’avoir un peu plus de texte, quitte à ce que le texte ne soit pas au début de l’article. Mais cela revient à beaucoup de travail.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Pouvez vous me citer vote réplique de film préférée ?

Olivier Roller : Là, de but en blanc, non… Si, Bruce Willis dans Piège de cristal, qui est accroché à la façade. La réplique est ridicule en soi, mais c’est une grand brute qui saigne et il se dit «Think» (Pense). Le film, je ne l’aime pas du tout, mais c’est intéressant car la brute se met à réfléchir à un moment précis. Tu vois Bruce Willis, à ce moment, le personnage et en même la personne dans la vie, ce qu’il est, le pro-Bush, ainsi de suite, se dire «Think ». Mis dans le contexte, cela fait que c’est « grandissime », entre guillemets.

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Camera Obscura : Quel est le moment que vous préférez dans la journée ?

Olivier Roller : Cela dépend des journées. Non j’en sais rien du tout. Il y a mille moments en fait dans la journée. Le moment que je préfère, c’est la fin des séances. Parce que quand ca c’est bien passé, c’est très particulier : comme lorsque tu fais l’amour avec quelqu’un pour la première fois, tu es nu et quand c’est fini, tu te regardes et te dis «il s’est passé quelque chose, qui aurait pu partir dans une toute autre direction, et tu ne sais pas comment te comporter». C’est cet entre-deux, ce moment à part.

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© Olivier Roller
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Camera Obscura : Trois adjectifs pour vous décrire ?

Olivier Roller : (prend un livre) , un ami avait écrit sur moi , cela m’avait horrifié : « dans sa manière d’être, d’être face à l’autre, de bouger etc… sa manière de dire souvent «bof», qu’il s’en fout, qu’il s’en tape, je ne sais pas, etc…». Je ne sais pas ce qui pourrait me définir. Je dirais que je ne crois pas en Dieu, mais je suis baptisé protestant, et en vieillissant je me rends compte que je suis hyper-protestant, mais culturellement parlant et pas dans la foi. Ma photographie est plutôt celle d’une personne psychorigide et c’est ce que j’aime. J’aime l’idée d’épurer le plus possible. Au fond, cela se résume selon moi à la question : «Jusqu’où peut-on enlever ?». Donc pour les trois termes : protestant culturellement parlant, l’immobilité pour la photographie. Enfin pour moi, tout est toujours mêlé, et je prends indirectement des photos de moi. Souvent, ce que je fais depuis quelques séances, je mets le retardateur et je viens me coller près de la personne que je prends en photo, et de temps à autres c’est vraiment bien, et c’est le début d’un autoportrait.

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© Olivier Roller
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Interview avec Sophie Tramier /fr/2009/sophie-tramier/ /fr/2009/sophie-tramier/#comments Sat, 02 May 2009 18:27:25 +0000 /?p=1612 Related posts:
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Sophie Tramier

Le travail photographique de Sophie Tramier, rigoureusement en lumière naturelle, est dédié aux matières, transparences, formes. Poissons, fruit des mer, gâteaux, assiettes, couverts, bouteilles… tous ces objets prennent vie devant son objectif, pour constituer des images d’une composition élégante et raffinée. Au delà de la simple nature morte, c’est un moyen de révéler son univers et son histoire personnelle.

Voilà ses photos et une interview à propos de son travail et de sa vision de la photographie.

 

Fabiano Busdraghi : Peux-tu raconter ton histoire de photographe ?

Sophie Tramier : Depuis mon enfance je suis attirée par la photographie, sa magie !

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Tout a commencé avec les photos de famille, les grandes boîtes chez les grands-parents où étaient conservées toutes ces photos : ces histoires de vie (d’ancêtres inconnus pour moi). C’était un voyage dans le temps, à travers des paysages et surtout à travers les hommes. J’adorais aussi les diaporamas des vacances, qui remémoraient des bons moments et me permettaient de remonter au fil de ma propre histoire.

 

Fabiano Busdraghi : Qu’est ce que représente pour toi la photographie ?

Sophie Tramier : La photo c’est le voyage des hommes : dans le temps, l’imaginaire, l’émotion, les lieux, les souvenirs. Une manière de révéler un univers, une mémoire.

 

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Fabiano Busdraghi : Quelles sont les raisons qui t’ont portée à travailler sur les natures mortes ?

Sophie Tramier : « Nature morte » c’est un terme qui vient de la peinture et ne me paraît pas vraiment adapté à la photographie.

J’ai commencé par la photo de personnages, qui me passionnait, je n’imaginais pas faire autre chose. Ce n’était pas du reportage mais des images prises avec la complicité de ces personnages que ce soit en portrait ou en mode. Je cherchais au-delà des apparences la personnalité et la beauté de chacun.

Puis on m’a proposé des reportages de décoration, ce que j’ai fait mais avec la frustration de ne pas suffisamment intervenir dans l’image. C’est une sorte de constat de beaux endroits, même s’il faut des qualités artistiques pour cela.

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Aussi j’ai commencé à faire de la «nature morte», pour avoir plus de liberté dans le choix des sujets, des matières, des compositions, des lumières.

Je n’ai pas l’instinct reporter, j’aime révéler une réalité en travaillant une image.

 

Fabiano Busdraghi : Donc tu construis toi même tes compositions. Est-ce que l’important pour toi c’est juste l’image finale, le résultat photographique, ou bien ce travail de composition et construction, proche de la sculpture est aussi important en soi ?

Sophie Tramier : Je construis mes images instinctivement, à partir d’éléments divers tel qu’un lieu, une matière…, mais toujours à la recherche d’un sens, d’une multi-lecture.

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

L’image ne peut pas être qu’esthétisme, il faut surtout qu’elle raconte une (ou des) histoire(s) pour que chacun puisse se l’approprier

 

Fabiano Busdraghi : Qu’est ce que tu entends par instinctivement ? En général tu as un projet précis de ton image, tu construis une sorte de set ou tu laisses évoluer les choses, en improvisant, suivant plutôt l’évolution de choses ?

Sophie Tramier : J’ai une image floue d’un projet, qui se révèle au fur et à mesure des premières prises de vue. J’ai besoin d’une certaine distance, d’une lecture nouvelle sur la ou les premières images qui me dévoilent l’écriture du projet final.

 

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Fabiano Busdraghi : Un jour tu m’as dit que tu travailles presque seulement en lumière naturelle. Est-ce que c’est un choix purement technique, tu préfères le
rendu de la lumière du jour, ou s’agit-il plutôt de jouer avec des possibilités limitées, ou encore un choix théorique ? Qu’est-ce que tu aimes de la lumière naturelle ?

Sophie Tramier : Je suis sensible à la lumière naturelle, je l’observe beaucoup, je m’adapte à elle. Elle révèle un visage, un corps, une matière, une image, c’est elle qui va déterminer ma position par rapport à la prise de vue. La lumière naturelle, il n’y a rien de mieux, j’aime particulièrement les contres jour, la pénombre et les lumières douces.

 

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Fabiano Busdraghi : Tu travailles beaucoup avec les aliments : livres de recettes, gâteaux, poisson… est-ce que t’es une amoureuse de la bonne cuisine ?

Sophie Tramier : Je suis venue à la photographie culinaire sans m’en rendre compte. Mes premières « Natures Mortes » étaient avec des herbes aromatiques mais sans intention culinaire, c’était un prétexte comme un autre pour faire des images. Au final, ces photos ont suscité des commandes dans le culinaire et tout s’est fait naturellement.

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Inconsciemment ma gourmandise m’a rattrapée!

Quand j’ai commencé, la photo culinaire me paraissait à l’opposé de ce que je voulais faire et je n’envisageais pas la photographie sans personnage. La photo culinaire à cette époque était très différente, très léchée, très sérieuse, pas du tout dans la simplicité et le naturel. À part quelques grands maîtres comme Irving Penn, qui sans être un photographe culinaire, a fait de magnifiques images sur ce sujet.

Je ne me considère pas comme une photographe culinaire, plutôt une photographe gourmande et attirée par la matière culinaire que je vois vivante, sensuelle et inspirante.

 

Fabiano Busdraghi : Tous les photographes ont des “photos jamais faites”. Des images qui en raison des limites techniques du moment, lenteur, manque de matériel, fautes, etc., n’ont été jamais prises, et sont perdues pour toujours. Peux-tu nous raconter une de tes “photos jamais faites” ?

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Sophie Tramier : Je n’envisage pas une image à travers une technique. En général je n’aime pas les images trop travaillées techniquement (comme avec les post-productions actuelles ou lumière artificielle….), on perd toute spontanéité, toute vérité; même si la vérité n’est pas forcément dans le réalisme.

Je n’ai pas vraiment de cristallisation ou frustration sur « une image jamais faite ».

Je serai plus ennuyée de perdre des images faites ou de ne pouvoir les partager. Avec le numérique le grand inconnu c’est la conservation, j’ai du mal à l’utiliser pour un travail perso ou mes photos de famille.

 

Fabiano Busdraghi : Et l’histoire de quelque image qui accompagne l’interview ?

Sophie Tramier

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Sophie Tramier : J’ai une tendresse particulière pour les portraits de poisson. C’est un travail personnel que j’avais commencé avec une amie styliste Nathalie Nannini, qui a la même passion pour les matières. Quand Nathalie Démoulin et Stéphanie Svukovic chez Minerva ont vu ces images, elles m’ont commandé un livre dans lequel nous continuerions ce travail dans le même esprit et avec la même liberté.

Cette liberté et l’entourage de collaborateurs de même sensibilité permettent la réussite, au-delà des images, d’un ouvrage.

Ces images ont trouvé une très belle vitrine dans ce livre, qui leur a permis d’exister pour un plus large public.

J’ai vécu mon enfance en Méditerranée entre la Corse et la Provence. Sur la plage et dans les rochers, je jouais déjà avec les poulpes en faisant des bijoux avec les tentacules ventousés en bague ou en bracelet, avec mes camarades après de belles oursinades.

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

J’aime détourner mes sujets de leur lecture première. Cette vision s’impose à moi, sans doute dû à une dyslexie qui me déroute d’une lecture classique. S’impose aussi à moi une sensualité, une sexualité, une symbolique : dans et à travers les matières, les formes, les peaux, les textures, la nourriture, les végétaux….

Dans la série œuf-N I (« eggs invidors »), le télescopage de l’œuf rejoint celui de l’univers dans une même symbolique.

« Les bouteilles voilées » et « Les couverts dentelles » font partie d’une série d’images « étreinte » d’objets et de formes emballés qui évoquent la censure ou l’enfermement imposé aux femmes.

«homme-objet» confrontation des matières, des sensualités : entre les peaux, les fibres, les textures.

Comme dans un jeu où les rôles seraient en miroir, la notion de «portrait» et de «nature morte» se déplace, s’emmêle, se confond.

Sophie Tramier Sophie Tramier Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Fabiano Busdraghi : On dit souvent que la photographie est pratiquée surtout par les hommes. Bien sur il y a beaucoup d’exemples de femmes photographes assez connues, et qui ont produit des oeuvres inoubliables, mais c’est vrai que dans le cliché le photographe est masculin. Est-ce que tu penses que les photographes femmes ont une vision différentes des photographes hommes ? Si c’est le cas, qu’elles sont ces différences dans ton travail, la spécificité féminine ?

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Sophie Tramier : En général nous n’avons pas la même approche, pas la même sensibilité, pas la même sensualité dans la vie et donc aussi dans la photo, dans l’art général… Mais ces différences s’observent aussi au sein d’un même sexe. Il m’est difficile de déterminer ce qui caractérise la féminité dans une œuvre, à chacun de la ressentir ou pas…Tout est affaire de regard, de position

 

Fabiano Busdraghi : Un photographe dont tu aimes très particulièrement le travail et pourquoi.

Sophie Tramier : Un seul c’est frustrant !

Parmi mes préférés, je choisis une femme, Sarah Moon, pour son univers poétique, onirique, sa féminité… Chaque image me touche particulièrement, le voyage et le rêve sont au rendez-vous.

Sophie Tramier

© Sophie Tramier

Plus ou moins connus mais qui me touche… Pêle-mêle : Irving Penn, Richard Avedon, les photos impressionnistes et les nus 19ieme début 20ieme, Gustave Legray, Felice Beato (et autres photos exotiques anciennes colorisées…), Edward Steichen, August Sander, Dorothy Lange, Paul Fusco «RFK Funeral Train» (livre que j’ai ouvert sans voir le titre ni connaître le sujet traité, m’a profondément émue), Robert Parke Harrison, Ismo Holto, Koto Bolofo, Joakin Eskildsen (son travail sur les gitans que je viens de découvrir), Laurent Millet et tant d’autre….

 

Fabiano Busdraghi : Quel livre es tu en train de lire dans ce moment ? Quelle musique tu aimes ? Quelques films préférés ?

Le livre que je lis en ce moment : un livre que l’on vient de m’offrir et qui me plaît et me fait rire : « mon chien stupide » de John Fante.

La musique : jazz, blues, soul, funk, reggae, toute la musique afro-américaine. Mais j’aime aussi plein d’autres musiques !

Cinéma : je suis fan du cinéma italien : Fellini, Antonioni, Bertolucci…et le dernier film qui m’aie bouleversée c’est « Respiro » de Emanuele Crialese.

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Les Any males de Didier Illouz /fr/2009/didier-illouz/ /fr/2009/didier-illouz/#respond Wed, 18 Mar 2009 13:01:00 +0000 /?p=3293 No related posts. ]]> Didier Illouz

Kamel
© Didier Illouz

Didier Illouz travail avec la photo, le graphisme, la retouche numérique et le tournages de films.

Dans sa série « Any males » il à photographié des personnes de son entourage, et dans la suite – grâce aux possibilités de montage offertes par la retouche numérique- a mélangé leur visages avec celui d’un animal de leur choix.

Le résultat sont des êtres hybrides, mis hommes, mis animaux, qui rappellent les visons mystiques des traditions du chamanisme, les métamorphoses des lycanthropes, des rêves mystérieux de thérianthropie.

Si assez souvent des projets aussi poussées de retouches aboutissent à des images évidement fausses et de mauvais goût, les photographie de Didier Illouz sont très élégantes et équilibrées, avec le plus souvent un beau noir et blanc aux teintes sépia, une gamme de gris qui rappelle les photos tirées pré-exposant le papier pour les voiler. Une belle façon de faire le tour entre l’imaginaire visionnaire du numérique et les traditions photographiques.

Didier Illouz

Gregory
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Peut tu raconter ton histoire de photographe ?

Didier Illouz : J’ai toujours été attiré par les images, et le fait de vouloir en faire est venu naturellement et progressivement.

Fin des années 80, il m’arrivait de passer des journées entières sur mon ordinateur, à dessiner et tenter de reproduire des photos sur les premiers logiciels d’image.

Puis, au grès de rencontres, j’ai pratiqué la prise de vue et le tirage noir et blanc ce qui m’a permis d’expérimenter des techniques de tirage, de virage et de colorisation de mes épreuves.

Après un DEUG de sciences, j’ai passé 2 ans à étudier le cinéma et la vidéo et j’ai ainsi obtenu une Maîtrise des Sciences et Techniques. A la suite de quoi, pendant plusieurs années j’ai fait de nombreux aller-retours entre la photographie, le graphisme et les tournages de court-métrages, un peu d’étalonnage numérique et du Vjing. Il m’était difficile de choisir parmi ces disciplines.

Actuellement je consacre mon temps à la prise de vue, au graphisme et à la retouche.

 

Fabiano Busdraghi : Qu’est ce que représente pour toi la photographie ?

Didier Illouz

Claire
© Didier Illouz

Didier Illouz : A mes yeux, la photographie représente un fabuleux moyen d’expression, d’échange. Une moyen de matérialiser une idée, de créer et proposer un univers, de faire passer un message, de témoigner, de marquer les esprits ou tout simplement d’immortaliser et de magnifier la Beauté.

 

Fabiano Busdraghi : Est-ce que tu peux nous parler de ta série “Any males” ?

Didier Illouz : L’idée de départ de cette série consiste à proposer à des personnes de mon entourage de choisir un animal, puis d’être photographiées afin de me permettre de fusionner leurs visages. Cette idée m’est venue suite à la découverte du chamanisme Améridien et du parallèle que ces peuples font entre les caractéristiques d’un animal et ce qu’un individu peut traverser durant son existence. Rapprochement de l’Homme avec l’Animal – Rapprochement de l’Homme avec la Nature. Trouver une manière de dévoiler l’Animalité présente en chacun de nous.

D’un autre coté, durant mes études de sciences, j’ai passé des années à étudier la biologie, la zoologie, la botanique, la génétique, les croisements et les mutations… J’ai baigné dans cette approche scientifique ce qui a façonné ma vision des processus de création de la vie.

Didier Illouz

Michel
© Didier Illouz

Actuellement, nous sommes témoin de l’intervention de l’homme sur son environnement à de nombreux niveaux, et aux bouleversements que cela entraîne : le lundi 19 mai 2008, le Parlement britannique a autorisé la recherche sur des embryons hybrides issus de l’intégration d’ADN humain dans des ovules d’animaux.

Mes images anticipent les conséquences plus ou moins hasardeuses et/ou désastreuses de ce type de manipulations.

Il est question ici d’amener une réflexion sur le positionnement de l’Homme face à la Nature, de son pouvoir, et des éventuelles conséquences résultant du bouleversement des processus naturels.

 

Fabiano Busdraghi : Tes images sont souvent sombres et inquiétantes. On a l’impression de voire les monstres, des êtres un peu méchants, mi bête mi hommes. Pourquoi t’es attiré par ce coté obscur de l’humanité ? Qu’est-ce que ça représente pour toi ?

Didier Illouz : Je ne trouve pas mes images sombres, et je ne pense pas que mes créatures soient méchantes. J’essaie de faire ressortir une certaine mélancolie dans ces portraits. C’est ce que la situation actuelle de notre époque m’évoque. Quant au coté obscur de l’humanité, il faut plus prendre cela dans le rapport que l’homme entretient avec l’animal.

Didier Illouz

Olivier
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Ta série Any males me rappelle en partie le travail de Daniel Lee, mais tes images sont encore plus oniriques et irréelles. Quelle sont d’après toi le différences et les analogies dans vos travails ?

Didier Illouz : Je ne connaissais pas le travail de Daniel Lee. J’aime beaucoup, particulièrement la série Manimales. C’est d’ailleurs le premier titre que je souhaitais donner à cette série.

A mes yeux, son travail est plus pictural. Il n’hésite pas à déformer ces visages afin de les rapprocher du faciès animal, et ce sans faire usage d’attribut animal. Sa série est également plus homogène.

Je suis très admiratif.

 

Fabiano Busdraghi : Concernant ton travail personnel, est-ce que tu prends en photo uniquement des modèles professionnels ou aussi des amis, des personnes rencontrées dans la rue, etc ? Dans ce cas, quelle est la différence quand tu travail avec quelqu’un qui n’est pas habitué à poser ?

Didier Illouz : Toutes les personnes qui ont posé pour la série Any males font parti de mon entourage. Il n’y a aucun modèle professionnel. De ce fait, ces personnes ne sont pas toutes habituées à poser.

La prochaine étape consiste à aborder des personnes dans la rue mais je ne me sent pas encore tout à fait prêt. Le plus dur étant de commencer.

 

Didier Illouz

Sebastien
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Beaucoup des gents pensent que une photographie retouché n’est plus une vraie photographie, en générale ces personnes pensent que la photographie devrait exclusivement être une représentation fidèle de la réalité. Personnellement je pense qu’une représentation fidèle de la réalité est impossible et que une “vraie” photographie n’est rien d’autre qu’une illusion. Est-ce que des fois des gens te disent que tu ne fais pas de la photo mais autre chose ? Quelle est ta réponse dans ce cas ?

Didier Illouz : L’été dernier, j’ai participé à un concours où mes images étaient diffusées sur le net et chacun pouvait laisser des commentaires. Un des participants se demandait s’il s’agissait toujours de photographie, du fait que l’importance de la retouche.

Personnellement, je pense que toute image est retouchée. Jouer sur la chromie d’une image, pour moi, c’est de la retouche d’une certaine manière. Passer en noir et blanc une scène en couleur est loin d’être une représentation fidèle. Utiliser telle ou telle focale transforme également notre vision de la réalité.

Je fais de la photo et de la retouche. Les deux sont pour moi des moyens d’expression complémentaires, ce qui me permet au final de créer des photographies. Quand bien même la photographie joue le rôle de matière première, je considère que le résultat reste une photographie.

 

Didier Illouz

Christophe
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Qu’est ce que tu penses donc de la manipulation numérique des images ?

Didier Illouz : Au début de l’histoire de la photographie, les photos existaient sous la forme de plaque de verre. Actuellement, les photographies sont de nature numérique. Et de tout temps, les photographes ont cherché à manipuler leurs images au moyen des techniques de leur époque.

Aujourd’hui, l’informatique nous permet de réaliser des trucages impossibles à obtenir autrement. Et je suis heureux de pouvoir en profiter.

D’un autre coté, je ne suis pas attiré par les images retouchées avec excès. Quand je retouche un portrait en mode, je travaille à embellir le modèle, mais j’évite à tout prix de déformer son visage, de m’éloigner de ses traits naturels.

 

Fabiano Busdraghi : Les photos de ta série Any males sont des photos argentiques retouché avec une retouche numérique. Pourquoi ne pas travailler directement en numérique ? Qu’est ce que t’attire de la photographie argentique ?

Didier Illouz

Antoine
© Didier Illouz

Didier Illouz : Jusqu’à présent je travaillais avec un reflex argentique Leica puis je numérisais mes films. Ce qui permettait d’atteindre un rendu spécifique et une taille de fichier suffisante pour tirer mes images à un format conséquent (60x80cm). C’était une méthode assez longue, fastidieuse et coûteuse, mais pour atteindre cette qualité en numérique, il fallait jusqu’à présent travailler avec des boîtiers numériques professionnels (ce qui n’était pas dans mes moyens).

Donc j’ai pris mon mal en patience depuis quelques années en attendant que sorte le boîtier de mes rêves – full frame avec beaucoup de pixel. Ce jour est enfin arrivé (depuis peu) avec la sortie de l’eos 5D mkII. Je viens d’en faire l’acquisition.

Cela bouleverse pas mal de choses. Il va me falloir un certain temps d’adaptation mais pour l’instant, je n’y vois que du bon.

 

Fabiano Busdraghi : En ce moment tu es en train de travailler sur quel sujet ? Comment il se différencie par rapport à tes travaux précédents ? Est-ce que tu as quelque projet pour l’avenir qui tu n’as pas encore commencé ?

Didier Illouz : Beaucoup de projets en tête. Pour l’heure je ne me suis pas encore décidé, j’expérimente des pistes. Le plus dur étant de faire un choix. Tenter un rapprochement entre l’humain et le végétal, voilà une éventuelle piste. Ou bien travailler sur le paysage… En tout cas, faire évoluer ma manière de travailler en commençant par me familiariser avec l’outil numérique. Ensuite, tout va aller beaucoup plus vite (je l’espère).

Didier Illouz

Remy
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Est-ce que la diffusion de ton travail se fait surtout grâce à Internet ou elles suivent des voies plus classiques ? Est-ce que tu lit régulièrement des magazines en ligne ou des blogs de photo ?

Didier Illouz : Je diffuse à la fois mon travail via mon site, des parutions dans la presse, des concours photo, des expositions et des ventes aux enchères.

Bien évidemment, je découvre tout les jours des sites, des magazines en ligne et des blogs sur la photographie. Je m’y rend de manière assez aléatoire et irrégulière – “tant de choses à faire et à voir et si peu de temps”. Je suis de nature très curieuse mais s’agissant de photo, je sature très rapidement. Je suis incapable de passer des heures à regarder des centaines de photos. Au bout d’un moment, naturellement je dis stop. La surconsommation d’images n’est pas mon truc.

 

Fabiano Busdraghi : Tous les photographes ont des « photo jamais faite ». Des imagines que pour le limites techniques du moment, lenteur, manque de matériel, fautes etc n’ont été jamais prise, et sont perdues pour toujours. Je m’attache souvent à des « photo jamais faite » elles deviennent un très bon souvenir. Peux tu nous raconter une de tes « photo jamais faite » ?

Didier Illouz : Bon nombre de mes projets photos correspondent à des “photos jamais faites”. Durant ces dernières années, j’ai eu de nombreuses idées ou concepts qui n’ont pas vu le jour. Que ce soit dans une salle de cinéma, devant la télévision ou pendant une exposition, vous réalisez qu’une personne a eu la même idée que vous, et que cette idée a été concrétisée et matérialisée.

Didier Illouz

Remy
© Didier Illouz

C’est un sentiment qui peut être vraiment frustrant. Du coup, soit l’on abandonne l’idée, soit l’on essaie de l’amener plus loin.

 

Fabiano Busdraghi : Et l’histoire d’une des images qui accompagnent l’interview?

Didier Illouz : Concernant la photographie “Christophe” (l’homme/aigle), le modèle, un ami, est médium ; il lui arrive d’avoir des visions spontanément. Et il se trouve que dans le chamanisme amérindien, l’aigle correspond à l’Esprit et donc aux visions.

 

Fabiano Busdraghi : Un photographe dont tu aime très particulièrement le travail et pourquoi.

Didier Illouz : En choisir un seul m’est très difficile. Un photographe parmi tant d’autres  : Mark Holthusen.

J’aime sa mise en scène, ses formats, sa palette de couleurs, son univers, son regard, sa maîtrise de la lumière.

Je suis également très sensible et admiratif d’une autre catégorie de photographes : les directeurs de la photo. Je pourrais en citer bon nombre dont je suis réellement fan.

 

Didier Illouz

Robert
© Didier Illouz

Fabiano Busdraghi : Est-ce que t’as un rêve photographique ? Quelle chose que tu n’as jamais faite et tu ne peux pas faire, quelque chose que tu espère voire, une invention qui doit voir le jour…

Didier Illouz : Mon rêve : pouvoir consacrer plus de temps à mon art, concrétiser mes idées, produire plus.

Pour l’invention, un chambre grand format avec un dos numérique pour moins de 2000 euros, ce serait bien.

 

Fabiano Busdraghi : Quel livre tu es en train de lire dans ce moment ? Quelle musique tu aime ? Quelques films préférés ?

Didier Illouz : le livre : L’essence du Tao de Pamela Ball

La musique : Boards of canada, Beck, les musiques de films… En ce moment j’écoute le dernier album de The Raconteurs et celui des Friendly Fires…

Quelques films : tant de films… L’assassinat de Jessi James, Amateur, le Seigneur des Anneaux, Into the wild, D’autres Mondes…

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Interview avec Jean-Marie Francius /fr/2008/jean-marie-francius/ /fr/2008/jean-marie-francius/#comments Sat, 14 Jun 2008 12:10:45 +0000 /?p=473 Related posts:
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Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Jean-Marie Francius est un photographe de mode qui développe un travail personnel sur les femmes. Travail rigoureusement argentique et traditionnel, en réaction au numérique qui domine la photographie commerciale, magnifiques tirages noir et blanc réalisés personnellement dans sa petite mais super équipé chambre noir. La méthode traditionnelle permet de récupérer une approche lente et intime à la photographie, une dimension différente, qui donne la délicatesse et élégance des images de Jean-Marie Francius.

En occasion de cette interview Jean-Marie m’as envoyé beaucoup de ces photos de nus et à une résolution qui rends très agréable le visualiser même à l’écran. Plutôt que sélectionner seulement une partie de ces images j’ai préféré créer deux galeries indépendantes avec toutes les photos : discrètes apparences et les anges.

 

Fabiano Busdraghi: Peux tu raconter ton histoire de photographe ?

Jean-Marie Francius: Tout commence vers mes 16 ans, par la découverte d’un labo chez un ami, une révélation !

Puis le photo-club de ma banlieue (Sarcelles !) ensuite de l’assistanat, du studio et quelques malheureux reportages de mariage, une bonne école ! En 1984 de retour dans ma Guadeloupe natale, je commence quelques photos pour les agences de pub locales (deux !), avant d’ouvrir mon premier studio, c’était hier !

 

Fabiano Busdraghi: Qu’est ce que représente pour toi la photographie ?

Jean-Marie Francius: Un petit miracle physico-chimique, qui lorsque qu’il est bien réalisé permet de penser/rêver un monde en deux dimensions, et le partager de façon universel… une vraie farce quoi !

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: Quelle sont les raisons que t’ont porté à travailler sur le corps ? Pourquoi plus en particulier t’as choisit le nu féminin ?

Jean-Marie Francius: Pour le dessinateur raté que je suis, le corps, et son image sont une grande source d’inspiration. J’ai commencé les nus tout d’abord par le dessin, j’avais 8, 9 ans mes héros étaient Akim et Zembla (bd des années 60)… c’était laborieux il y avait des muscles partout.

Plus tard avec la photo, j’ai trouvé un moyen plus rapide… mais pour répondre à ta question, mes premiers nus photographiques étaient « David Hamiltonien » pas très bien fixés et je les offrais sans aucune honte…

 

Fabiano Busdraghi: Dans les séries les anges et discrètes apparences les mannequins sont tous des amis. Qu’est ce que ça change quand tu travail avec un mannequin que tu paye ou avec un connaissant qui pose pour toi pour son libre choix ? Est-ce que c’est plus difficile de travailler avec quelqu’un qui n’as jamais posé par rapport à un mannequin professionnel ?

Jean-Marie Francius: Les Anges sont nés de rencontres, de confidances aussi, d’amitiés, j’aime l’idée de « faire » une photo pas la « prendre ».

Je suis souvent touché par la grâce des gens qui n’ont pas un rapport habituel avec la photographie il y a là une sincérité et instinctivement je vais vers ça, avec patience et maladresse aussi…

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: Dans ton travail personnel tu utilise uniquement des appareils argentiques et tu t’occupes souvent personnellement du tirage. Est-ce que tu peux nous expliquer les raisons de ce choix ? Est-ce que tu cherche le rendu de l’argentique parce que tu n’aime pas spécialement celui du numérique ? Ou c’est le plaisir de recouvrir les gestes anciennes, le contact manuel avec les matériaux, la magie du développement de l’image latente ?

Jean-Marie Francius: Argentique ! des films ! des appareils qui font Clic ou Clac ! Un Rolleiflex, de la Tri-x, l’odeur du fix, le noir, le rouge, des gestes répétés, un rituel, et au bout, parfois la joie d’un petit moment…

En numérique, j’ai tellement l’impression que l’on te « fourgue » de la technologie balbutiante et beaucoup de plastique.

 

Fabiano Busdraghi: Les photos de tes série les Anges et Discrètes Apparences sont toutes tirés en petit format, quand le très grand tirage font encore la une dans les galeries. Est-ce que tu peux commenter ce choix?

Jean-Marie Francius: Mon attirance pour les petits formats vient sans doute du dessin. Par ailleurs les petits tirages sont plus difficiles à réaliser, les déséquilibres de valeurs et de contraste, sont flagrants.

Si en « petit » ça ne marche pas, il y a de forte chance pour qu’en plus grand cela ne s’améliore pas !

Lors de Discrètes Apparences, mon expo cet hiver, je souhaitai une certaine intimité, une proximité entre le tirage et l’observateur. Le format aide à une certaine concentration… à mon sens…

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: Comment se concilie le travail de photographe professionnel avec tes propres travaux personnels ? Est-ce que tu pense que chaque travail commercial est une expression pure de ta créativité, ou est-ce que les commissions impliquent un compromis souvent trop lourd ?

Jean-Marie Francius: Ah ! le Travail Professionnel… Je fais des portraits pour des magazines et un peu de pub. On te choisi pas forcément pour ton imagerie. Le choix des photographes est souvent abscons (…) d’où la nécessité de faire des images perso, celles qui à défaut d’enrichir, forgent votre vision (…)

En ce qui concerne la créativité dans le travail commercial, c’est presque un gros mot ! Hélas ! Les directeurs artistiques sont rares et les bons font les photos eux-même !
Quand j’étais assistant les affiches, les campagnes de pub donnaient envie de faire aussi bien, voir mieux. Aujourd’hui, c’est de la réclame ! Jolie, retouchée, mais de la réclame ! La rentabilité à pris le pas sur la création, adieu les campagnes Guy Bourdin et Charles Jourdan. Heureusement il reste l’édition où de jolis et intelligents projets voient le jour !

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: Tous les photographes ont des « photo jamais faite ». Des imagines que pour le limites techniques du moment, lenteur, manque de matériel, fautes etc n’ont été jamais prise, et sont perdues pour toujours. Parfois c’est un choix, voit la photo mais on préfère laisser l’appareil entre ses mains, et regarder seulement avec les yeux pour se réjouir pleinement de la réalité. Je m’attache personnellement souvent à des « photo jamais faite » elles deviennent un très bon souvenir. Peux tu nous raconter une de tes « photo jamais faite » ?

Jean-Marie Francius: J’ai un panthéon perso de « photo jamais faite »

Toutefois : il y a quelques années, pour L’arbre de Noël de l’Elysée, le comité des fêtes et réjouissances, eu la bonne idée de donner un spectacle de Clown en ce joli palais… Vers 21h00… les Clowns, n’étant toujours pas en piste !

La brillante organisation présidentiel dépêcha une voiture officiel et une paire de motards républicains, avec l’impérieuse mission d’amener les deux augustes dans l’instant !
Habillés, maquillés, chapeautés, les joyeux rigolos s’enfournèrent dans la voiture… le cortège à vive allure descendait les Champs Elysée… avec aux fenêtres deux « passagers » saluant tout sourire des piétons ébahis !

Voilà ! J’aurais voulu faire cette image !

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: Et l’histoire d’une des images qui accompagnent l’interview?

Jean-Marie Francius: La photo qui a initié ma série Les Anges.

La fin d’une séance et le dernier Polaroïd ! J’étais tellement fébrile, je l’ai partiellement déchiré en voulant le nettoyer…c’est une image que j’aime beaucoup, la survivante fragile d’une belle journée…

 

Fabiano Busdraghi: Un photographe dont tu aime très particulièrement le travail et pourquoi.

Jean-Marie Francius: Diane Arbus, qui pendant douze années à photographié une Amérique loin du « rêve ». Celle d’une population décalée. Elle a su simplement nous montrer une autre face et derrière une apparente facilité il y a là toute la conviction et l’obstination d’une grande artiste, c’est implacable de Vérité.

A lire : Patrick Roegiers « Diane Arbus ou le rêve du naufrage », Perrin.

 

Fabiano Busdraghi: Quel livre tu es en train de lire dans ce moment? Que musique tu aime? Quelques films préférés?

Jean-Marie Francius: Les livres, j’ai une façon chaotique de lire, j’ai des bouquins sous mon lit, dans mes sacs, mes vestes, même dans mon labo photo !

En ce moment je lis Jim Harrison : la bouffe, le vin, les amis…
Musique : beaucoup de reggae.
Films : No country for old men (Ce pays n’est pas pour le vieil homme) des frères Cohen.

 

Jean-Marie Francius

© Jean-Marie Francius

Fabiano Busdraghi: En ce moment tu es en train de travailler sur quel sujet ? Comment il se différencie par rapport à tes travaux précédents ? Est-ce que tu as quelque projet pour l’avenir qui tu n’as pas encore commencé ?

Jean-Marie Francius: Actuellement, je travaille sur des triptyques, des nus (…), des portraits, des petites histoires.

Tout ce petit monde en noir et blanc, avec un peu de gris aussi…

 

Jean-Marie Francius est représenté par la galerie Chambre avec vues. Il est aussi possible de voir les autres photos de la série les Anges ou de la série Discrètes apparences.

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