nu – Camera Obscura /fr A blog/magazine dedicated to photography and contemporary art Fri, 22 Jan 2016 13:24:38 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.4.3 Par les yeux de la Sibylle, par Eric Keller /fr/2011/sibylle-eric-keller/ /fr/2011/sibylle-eric-keller/#comments Wed, 06 Apr 2011 08:07:00 +0000 /?p=4389 Related posts:
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Eric Keller (16)
© Eric Keller
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Texte et photos suivantes de Eric Keller.

 

On me demande parfois pourquoi je me plais à répéter depuis des années, et sans me lasser, ce genre de photographies.

Il y a toujours plusieurs façons d’expliquer les choses.
En voici une.

Eric Keller (15)
© Eric Keller
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Adolescent, je dessinais beaucoup. A la plume trempée d’encre de Chine, je couvrais le papier de formes, d’arabesques et de hachures dont émergeaient des corps, des chevelures.

Un jour, en feuilletant une encyclopédie, j’ai été arrêté par la reproduction d’un tableau : sous mes yeux, dans le décor à peine esquissé d’un palais oriental, évoluait une gracieuse reine, ou une prêtresse.

Eric Keller (14)
© Eric Keller
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Sur son corps pâle, presque nu, mais paré de lourds bijoux, le peintre avait fait courir un délicat entrelacs de signes et de symboles.

L’attitude hiératique de la danseuse en faisait une idole sacrée.

Il s’agissait d’une Salomé de Gustave Moreau. Cette scène peinte synthétisait en une seule image une représentation du corps féminin tel que je le cherchais dans mes dessins et des éléments de mon environnement. Dans les voûtes et les colonnes aux allures byzantines, je retrouvais les perspectives aperçues dans certaines usines de ma ville natale, ainsi que leurs couleurs de rouille et d’oxydes, de l’ocre-rouge au noir.

Eric Keller (13)
© Eric Keller
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Huysmans, dans A rebours décrit bien mieux que moi le pouvoir envoûtant des différentes versions de ce tableau (qui se mélangent dans ma mémoire). J’y trouvais pour ma part une correspondance évidente avec mes préoccupations, comme plus tard dans la poésie de Baudelaire, puis dans les mélopées de Lisa Gerrard.

Eric Keller (12)
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A peu près à la même époque, en visitant le musée municipal, j’ai découvert, installée à la croisée des allées de sombres tableaux de maîtres flamands – telle une princesse empoisonnée, assoupie dans sa châsse de cristal au milieu d’une clairière – la momie d’une jeune prophétesse perse.

De cette rencontre inattendue, je garde le souvenir de sentiments de répulsion et d’attirance mêlés.

Eric Keller (11)
© Eric Keller
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La vue de ce corps à la chair desséchée, plus impressionnant qu’un squelette, était cauchemardesque, avec sa peau parcheminée, enduite de goudron et tachetée de restes de feuille d’or.

Cependant, je ne pouvais m’empêcher de trouver émouvants ces crins filasses, qui avaient dû, jadis, s’étaler en mèches souples et luisantes, et encadrer un visage charmant.

J’en contemplais le rictus calciné, les rides effrayantes découvrant un sourire obscène de goule.

Le cadavre reposait tel qu’on l’avait trouvé, allongé sur un lit de feuilles séchées, précieuses comme des joyaux éparpillés.

Penché sur le cercueil de verre, je songeais à l’existence de cette déesse païenne, à ses rituels et à ses chants, à ses transes divinatoires.

Une Sibylle de l’âge de bronze privée de sépulture.

Eric Keller (10)
© Eric Keller
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Il y a une quinzaine d’années, j’ai ramassé sur une berge de la Seine des lamelles de métal rouillé, aux bords dentelés par l’oxydation. Je les ai assemblées et j’ai décoré l’ensemble avec des pièces d’un bijou ancien, pour en faire une sorte de casque.

Eric Keller (9)
© Eric Keller
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Lorsque je l’ai placé sur la chevelure du modèle, je me suis trouvé transporté dans le palais oriental, face à la Salomé de Moreau, soeur de la vestale embaumée.
L’image que j’en ai tirée m’a fait prendre une direction dont je m’écarte peu depuis.

Eric Keller (8)
© Eric Keller
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A partir d’éléments disparates glanés dans la nature, découverts dans les brocantes et de métal que je grave, je confectionne des coiffes et des bijoux dont je pare presque toujours les personnes qui posent pour moi.

Évidemment, ces artifices ne sont pas indispensables. Chaque corps raconte à lui seul une histoire et peut se suffire à lui même.

Cependant, un simple accessoire est capable de modifier le sens de ce que l’on voit, de transporter ailleurs.

Eric Keller (7)
© Eric Keller
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Ce sont bien souvent les éléments qui les composent qui m’ont inspiré les parures. Un fragment de bijou, une paire de cornes d’antilope découverts au petit matin au fond d’une caisse, à l’étal d’un vide-grenier, et déjà un projet s’échafaude. En archéologue qui vient d’exhumer un trésor, je me penche sur ces objets abandonnés, je les soupèse, les interroge, je les examine sous tous les angles et j’évalue leur potentiel.

Eric Keller (6)
© Eric Keller
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J’aime particulièrement les matériaux bruts, corrodés, les objets patinés qui ont « vécu ». Le clinquant, ce qui sent le neuf me déplaît.

Le fait-main a une grande valeur pour moi.

Est-ce pour cette raison que je continue à réaliser moi-même mes tirages à l’agrandisseur ?

J’ai un goût prononcé pour les objets empreints de magie, composés de fibres de végétaux, de cheveux, d’os, de crânes d’animaux noircis par la fumée, incrustés de boue séchée, qui proviennent d’Afrique ou d’Océanie. Symboles païens, animistes, talismans, amulettes, fétiches, totems. Ceux la même qui, malgré la protection de la vitrine d’exposition d’un musée, dégagent des fluides puissants, évocateurs d’arcanes oubliés, de rites sauvages, de cérémonies venues du fond des âges.

Eric Keller (5)
© Eric Keller
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J’envisage des assemblages, je prévois les questions techniques qu’il faudra résoudre pour que l’ensemble tienne en équilibre, ne se déforme pas et présente un résultat harmonieux.

Sur mes carnets j’improvise des esquisses pour me figurer l’allure de l’objet qui va naître et donner une nouvelle vie à mes trouvailles.

Lorsque le projet est cohérent, je commence à découper, graver, coudre.
Peu à peu la coiffure prend forme. Elle viendra bientôt couronner une nouvelle souveraine et créer un écrin pour son visage.

Eric Keller (1)
© Eric Keller
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Même si mes images montrent des corps nus, c’est au visage que va en premier lieu mon intérêt.

Toujours attentif, dans la rue, dans les transports en commun, je scrute le visage des gens qui m’entourent. Je cherche le merveilleux derrière l’ordinaire.

Dans un endroit des plus banals, un profil éclairé par la lumière d’un vulgaire néon me saisit, me fascine comme une œuvre d’art. Alors, je déplore de ne pas maîtriser le pouvoir d’arrêter le temps pour l’examiner à loisir, comme on peut admirer une sculpture.
J’éprouve même de la peine quelquefois à ne pouvoir retenir, garder une trace des chefs d’œuvre que je croise et qui replongent aussitôt dans le néant.

En cela, chaque photographie est une victoire, une revanche contre l’oubli, contre l’intolérable disparition de ce qui est beau.

Il me semble que l’atmosphère sombre de mes images n’est que le reflet du trouble que je ressens devant la beauté et l’impossibilité de la saisir dans sa totalité. L’échec inévitable de sa possession.

Eric Keller (4)
© Eric Keller
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Au cours de la séance, le buste rehaussé de colliers et les poignets cerclés de bracelets, le modèle est transfiguré et devient une pythie, un succube, une amazone, Judith, Lucrèce.

Chacune me prête sa grâce. Unique pour chacune.

Je ressuscite la chamane défunte et elle évolue devant moi, reprend ses poses stylisées, ses gestes codés et sa danse incantatoire.

Elle me fixe à travers le temps, de ses yeux transparents.

Son corps dénudé est une arme blanche. Comme une lame débarrassée de son fourreau il est éblouissant, fascinant, dangereusement beau.

Je suis le témoin de cette réincarnation et je tente d’en saisir les manifestations, à la façon d’un spirite qui aurait invoqué un spectre.

Eric Keller (3)
© Eric Keller
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Bien sûr, avec le temps, mon imaginaire s’est enrichi d’autres influences, d’autres références et j’ai exploré d’autres sujets, mais mon inspiration me ramène toujours vers les mêmes rivages crépusculaires peuplés d’apparitions.

 

Pour plus d’informations à propos de Eric Keller et son travail lisez l’article déjà paru sur Camera Obscura ce qui est écrit dans la main de mon père ou visitez son site personnel :Eric Keller.

Eric Keller (2)
© Eric Keller
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La complicité du modèle, par Roland Cabon /fr/2011/roland-cabon/ /fr/2011/roland-cabon/#comments Mon, 07 Mar 2011 12:15:41 +0000 /?p=4375 Related posts:
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Roland Cabon (15)
© Roland Cabon
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Texte et photos suivantes par Roland Cabon.

 

J’ai été initié très jeune à la photo par mon père. Après des études en photographie à Paris, je me suis lancé dans le métier en me spécialisant dans la photo d’architecture et de décoration. Tout en continuant mon métier de photographe, je suis arrivé au graphisme. De studios de design en agences de publicité (à Paris, Aix-en-Provence et finalement à Montréal), j’ai été graphiste, directeur artistique, journaliste, organisateur d’événements pour les artistes, puis finalement, rédacteur en chef de magazines spécialisés. Pour assouvir mon manque de créativité visuelle, je tenais donc à renouer peu à peu avec la photographie, mon premier métier.

Roland Cabon (14)
© Roland Cabon
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C’est grâce à mes séries d’études sur le nu, que je recommence en 2000 à travailler sérieusement la photo. Véritable retour aux sources pour moi, mes nus devaient être aussi un retour à la simplicité. Sans artifices souvent inutiles et parfois dérangeants (sinon vulgaires) ni d’effets spéciaux à l’ordinateur, j’ai juste cherché à représenter la beauté du corps sans fard et la pureté de ses formes graphiques. D’ailleurs l’influence du graphisme est perceptible dans chacune de mes compositions non recadrées ultérieurement et souvent travaillées d’après mes propres croquis.

Roland Cabon (13)
© Roland Cabon
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Ombres et lumière

Cette série d’une soixantaine de photos a été exposée plusieurs fois à Montréal. Elle a également été présentée sur la chaîne de télévision française FR3 et a fait l’objet d’une exposition au 5e Festival européen de photo de nu d’Arles en 2005. L’éditeur allemand Bucher (Berlin) a publié en 2006 des images de la série dans un livre collectif, The Best of Black and White EroticPhotography.

Roland Cabon (12)
© Roland Cabon
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Les cadrages sont originaux : la plupart des photos étant réalisées d’après des croquis précis et dessinés avant la prise de vue. Les images en noir et blanc et le travail d’éclairage soulignent ma volonté de réaliser des images classiques tout en douceur.

Roland Cabon (11)
© Roland Cabon
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L’envol

Du décollage à l’atterrissage, cette nouvelle série est une quête en apesanteur vers la liberté totale et la plénitude. Un refus de la noirceur et des tabous qui nous entourent. Malgré les battements d’ailes, le décollage n’est parfois pas facile… Une fois là-haut, les modèles flottent planent, se déconnectent de notre réalité jusqu’à la plénitude.

Ces anges sans fausse pudeur, nous conduisent vers la liberté absolue. L’atterrissage, le retour au réel, est parfois brusque, parfois serein selon le message qu’on y perçoit. Ce voyage aérien sans tabous nous guide vers nos rêves et nos fantasmes. À nous de trouver le moyen de décoller…

Roland Cabon (10)
© Roland Cabon
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La série L’Envol est en cours et sera le sujet d’une exposition d’une cinquantaine de photos qui ont été réalisées en studio d’après croquis et sans trucages informatiques. Ces simulations de vol ont représentées beaucoup de préparation, de travail et de complicité avec les modèles. La photo présentée ici est un clin d’œil à la pochette de disque du groupe Nirvana, Nevermind.

Roland Cabon (9)
© Roland Cabon
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La Fuite du quotidien

Je travaille aussi de temps à autre sur une autre série d’images qui sont traitées comme de petites histoires humoristiques en 8 à 12 photos où la nudité sans fausse pudeur devient le symbole de la liberté absolue. Cette Fuite du quotidien est un clin d’œil sans prétention. Elle représente pour moi un refus de la grisaille et des tabous qui m’entourent. C’est un peu ma façon de contrer la violence omniprésente dans notre quotidien. C’est d’ailleurs le message que je veux passer à travers toutes mes photos : la nudité et la beauté contre la violence et l’hypocrisie. Ma façon de résister !

Roland Cabon (8)
© Roland Cabon
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Complicité

J’ai d’autres projets en cours que je réalise peu à peu et surtout en fonction des modèles que je rencontre. Je cherche toujours des modèles qui participent, amènent leurs idées et critiques. Mes images sont un travail d’équipe et je considère, dans ce cas, que les images sont autant celle du photographe que celles du modèle.

Roland Cabon (7)
© Roland Cabon
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Trouver LE modèle n’est pas chose aisée. Il y a la rencontre fortuite et bien rare et le contact via des sites spécialisés. Je privilégie toujours la première solution mais il faut se fier uniquement à la chance et… au culot du photographe ! La seconde solution peut paraître plus facile, mais est parfois sujet à des désillusions et à du temps de perdu.

Roland Cabon (6)
© Roland Cabon
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Je ne cherche pas la beauté parfaite, ni la grande expérience du modèle. Je cherche surtout le modèle qui à travers sa personnalité amène une étincelle aux prises de vues. Avec une débutante, on retrouve souvent la gêne, la timidité, l’espièglerie avec des expressions qui font tout le charme d’une photo réussie. Je ne cherche pas la femme objet ou sans défaut, mais le modèle naturel qui transmet un message avec ses yeux. Nudité ou pas, le regard est primordial pour moi.

Roland Cabon (5)
© Roland Cabon
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Je rencontre toujours les modèles avant un shooting afin de parler des projets mais surtout pour voir s’il y a un feeling qui passe et voir si l’on est sur la même longueur d’onde. Si rien ne se passe, on oublie ça et je continue ma quête de modèles… Cela permet de briser la glace, d’éviter les quiproquos et de gagner bien du temps lorsqu’arrive le temps de la prise de vues.

Roland Cabon (4)
© Roland Cabon
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Pour moi, le nu n’est pas chose facile, c’est un exercice de concentration où j’extrapole les émotions et les sentiments surtout dans les premières minutes où l’on découvre le corps que l’on n’a jamais vu. Pour bien se faire, il doit y avoir une complicité dans le travail avec le modèle et une confiance absolue. D’un côté comme de l’autre.

Roland Cabon (3)
© Roland Cabon
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Plusieurs de mes modèles étaient des actrices ou danseuses professionnelles au moment des séances de photo. Pour deux ou trois d’entre elles, ces séances ont été, selon elles, comme une thérapie afin de briser leur trac sur scène. Plus tard, elles sont revenues d’elles-mêmes pour participer à d’autres sessions. Belle confiance et preuve que les séances se passent bien ! Le plus beau cadeau que j’ai reçu a été de voir trois anciens de mes modèles devenus de très bonnes amies depuis, me contacter afin de faire des photos d’elles une fois enceintes puis une fois mamans… Des moments privilégiés et de superbes souvenirs à la clé.

Roland Cabon (2)
© Roland Cabon
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Personnalité

La personnalité du photographe est très importante. La transparence de ses propos aussi. Tout prévoir à l’avance, montrer ce que l’on veut faire et faire ce que l’on a décidé ensemble. Être clair, précis. Un contrat net qui respecte les désirs du modèle et, si demandé, son anonymat. Pas de mauvaises surprises. Bien entendu, on peut toujours compter sur une part d’improvisation de dernier moment lors du shooting qui aboutira parfois au meilleur cliché de la session.

Roland Cabon (1)
© Roland Cabon
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La perception que le modèle a du photographe est primordiale. Pour moi, mon expérience de ce genre de séances photo et mon âge sont un atout. Passé la cinquantaine, marié, ayant des grands enfants, je suis plutôt rassurant pour un modèle qui a souvent entre 18 et 25 ans ! Ma personnalité est aussi un avantage, j’arrive à persuader et à mettre en confiance assez facilement. Il faut avoir une dose de psychologie et savoir s’adapter soi-même à la personnalité du modèle. Ne pas oublier l’ambiance ! Un endroit chaleureux (si la séance est en studio), des croissants tout frais, de la musique au goût du modèle et une bonne dose d’humour et le tour est joué !

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Primates et Immaculate, par Ruben Brulat /fr/2010/ruben-brulat/ /fr/2010/ruben-brulat/#respond Thu, 18 Nov 2010 13:53:06 +0000 /?p=4215 Related posts:
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Ruben Brulat (9)
© Ruben Brulat
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Photos suivantes de Ruben Brulat, textes1 de Dan Nisand.

Primates

Il y a, dans la démarche de Ruben Brulat, quelque chose de romantique, au sens dix- neuvièmiste du terme. Son travail est celui d’un solitaire, exalté et mystique, lancé dans une quête qui le confronte aux limites et lui ouvre les portes d’une appréhension nouvelle du monde. Autrefois, à la suite d’Amiel, toute une génération avait proclamé que « chaque paysage est un état d’âme », et plongé son regard dans des perspectives sans fin, accidentées comme la vie, torturées comme le sentiment humain. Une fascination que l’on retrouve nettement dans cette nouvelle série de photographies, intitulée Primates.

Ruben Brulat (11)
© Ruben Brulat
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Pourtant, quand un Friedrich suggérait la grandeur humaine en représentant une silhouette anonyme absorbée dans le spectacle d’une mer de nuages, Brulat, lui, renverse l’expérience, en l’immergeant dans la réalité. Chez lui, il ne s’agit plus d’évoquer la grandeur d’un caractère, mais celle de la Création elle-même, où l’humain, en tant qu’espèce, cherche sa place.

Ruben Brulat (10)
© Ruben Brulat
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Parmi les rochers, la neige et la glace hostiles, peu disposés à accueillir la vie, voici un corps sans identité, totalement nu et démuni. Parviendra-t-il à se fondre dans ce décor, dans cet infini d’accidents ? Saura-t-il s’apparenter à la bête qui, établie en son milieu, règne sur son territoire ? Elle est bouleversante, la tentative désespérée de cet être de faire corps, justement, d’être accepté, ou ré-accepté, par une matrice dont la substance humaine est étrangement exilée. Le voici ravalé au rang d’espèce, comme un homme d’avant les millénaires, forcé de se connaître et de s’adapter aux déterminations extérieures qui ne sont que menaces.

Ruben Brulat (8)
© Ruben Brulat
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Car il est impossible de faire abstraction des conditions de la réalisation de ces clichés : la prise de risque, l’émotion intense, la féerie et l’exploration des limites sont palpables. On perçoit que l’artiste répond à tous ses instincts, qu’il s’offre tout entier et se laisse atteindre par les choses. Si parfois un coussin de neige semble plus accueillant, plus moelleux, le spectateur ne peut réprimer le frisson que déclenche en lui ce corps soumis sans défense à la dévoration des éléments. Il ressent l’urgence, l’impossibilité de penser, mais aussi la rapidité et la volupté inattendue de l’action.

Certes, il ne se crée pas l’illusion que la fusion avec la nature soit possible sans lutte ni conditions. Mais cette série raconte une quête, avec son lot d’espoirs déçus et de tentatives avortées, et au bout du chemin, un fugace mais incontestable triomphe. Celui d’être parvenu, ne serait-ce que pour un instant et dans l’ivresse du moment, à créer la symbiose : lorsque la figure humaine, comme apaisée, semble se confondre avec un éboulis rocheux, flotter sereinement à la surface d’une nappe d’eau noire aux côtés d’une croûte de glace, ou trouver refuge au creux d’un tapis d’herbe tendre, au vert dense et profond.

Ruben Brulat (7)
© Ruben Brulat
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Immaculate

Chaque soir, le quartier de la Défense, à l’ouest de Paris, se vide de sa population d’hommes d’affaires et d’employés, et se transforme en no man’s land. Car la nuit, ce centre économique international, agglomérat de tours de bureaux poussé comme une forêt d’acier sur une immense dalle piétonne en béton, devient une périphérie, un désert urbain que nul être ne hante.

Ruben Brulat (6)
© Ruben Brulat
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C’est cette ville fantôme qui ne semble rien attendre, que le photographe Ruben Brulat explore, nuit après nuit, de passerelle en parking, de couloir en escalier. Chaque cliché aura demandé à l’artiste des dizaines d’heures d’errance, à la recherche d’un lieu dont le néant lui parle ; un lieu où la lumière, l’architecture, les matériaux et les reliefs composent un décor incongru et tragique. Ensuite, ce sont encore des heures d’observation, d’imprégnation, de rêve. Mais lorsque la vision surgit, elle devient aussitôt désir, exigence impérieuse de réalisation. Pour atteindre à cette symbiose paradoxale qu’il a le don de créer avec ces lieux désolés, l’artiste éprouve le besoin de se mettre à nu, ici, tout de suite. Il doit à tout prix investir l’endroit, s’y projeter en tant qu’être. Partir sans être allé jusqu’au bout est hors de question ; ce serait une faute, au sens moral du terme. Et voici le photographe dans son propre objectif, plongé dans son propre regard, sans vêtement ni artifice.

Ruben Brulat (5)
© Ruben Brulat
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Pour bien comprendre la démarche de Ruben Brulat, il faut se mettre à la place de cet être solitaire qui explore chaque recoin de ce dédale silencieux, et qui décide soudain, au cœur de la nuit, de s’offrir à la froideur d’un lieu, seul et nu, de faire corps avec l’acier, le verre et le ciment. Il faut s’imaginer cette quête, cette traque de l’emplacement, et l’adrénaline qui déferle dans le corps au moment où le photographe se dévêt et s’offre, vulnérable et fragile, à l’horreur d’un espace sans âme et sans histoire.

Ruben Brulat (4)
© Ruben Brulat
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Tout comme il ne peut s’empêcher d’explorer chaque recoin de ce quartier singulier, tout comme il s’interdit d’en ignorer la moindre parcelle, les clichés de Ruben Brulat n’omettent aucun détail. Précis jusqu’à l’excès, ils explorent chaque centimètre de ces espaces trop nets, ou au contraire trop vite dégradés. L’ombre elle-même, habitée par les silhouettes squelettiques des tours vides, est scrutée jusqu’au tréfonds, et révèle ses reliefs gigantesques et abandonnés. Au centre de la composition, le corps nu d’un homme, tour à tour fragile, torturé, auréolé d’un songe, décrit la vie humaine surgie dans le règne de ce qui lui est hostile.

Ruben Brulat (3)
© Ruben Brulat
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Nous sommes au cœur du plus grand quartier d’affaires d’Europe, et il n’y a rien. Ici, le système du pouvoir sommeille en attendant que des êtres de chair et de sentiment reviennent l’actionner. On dirait que seule la créature Économie, qui se nourrit de chiffres, de réseaux, de transactions, parvient à survivre dans cet environnement. Tandis que nous autres humains, qui ne vivons que de sentiments, de sensations, de souffrance même – toutes choses qui, précisément, sont absentes de ces lieux –, n’y avons pas droit de cité.

De photographie en photographie, une métaphore se construit. L’évidence se fait jour que là où le pouvoir économique triomphe, le vivant n’a pas sa place. La vie qui, dans une prolifération joyeuse et irrésistible, s’introduit partout, dans les moindres recoins, a pourtant été chassée d’ici. La végétation elle-même, placée là par des logiciels, semble étouffer dans sa servitude. Elle a beau s’efforcer de reprendre ses droits sur les recoins oubliés par l’urbanisme totalitaire, ses maigres victoires font apparaître la vie comme un phénomène macabre et obscène.

Ruben Brulat (2)
© Ruben Brulat
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À première vue, la série Immaculate relève de la photographie plasticienne. Et pourtant, la présence d’un corps humble et discret, nu sans être provocant, sans sexe, sans identité, la fait basculer dans un tout autre ordre de représentation. Étrangement, une certaine beauté se dégage de cette hideur. Est-ce dû à la présence d’un corps ? À la puissance de l’inspiration du photographe ? Parfois, au gré de ses explorations nocturnes à la Défense, Ruben Brulat vient à croiser un être solitaire, fantomatique, ivre de fatigue ou dévoré de chagrin. Soudain, un timide et insolite « Bonsoir » résonne au milieu du silence. L’humain, malgré tout. C’est peut- être de là que vient ce bonheur total, cette euphorie fébrile qui s’empare de l’artiste lorsqu’il emporte chez lui un de ces clichés surnaturels : la victoire d’avoir arraché un portrait de l’humanité à cet espace qui prive la vie de ses droits essentiels.

Ruben Brulat (1)
© Ruben Brulat
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  1. Traduction en anglais de cet articles sur la page personelle de Ruben Brulat.
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Discrètes apparences, Jean-Marie Francius /fr/2008/discretes-apparances-jean-marie-francius/ /fr/2008/discretes-apparances-jean-marie-francius/#comments Sat, 14 Jun 2008 10:00:46 +0000 /?p=471 Related posts:
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Jean-Marie Francius
© Jean-Marie Francius

Galerie avec les photos de la série Discrètes apparences de Jean-Marie Francius. Tirages argentiques de l’auteur.

C’est une série de nus, mais on ne regarde jamais en face le modèles, on n’aperçoit jamais un visage, il s’agit de portrait de dos de femmes. Les photos sont très élégants et raffines, les poses sont souvent celle de la tradition classique, ce qui donné une sensation nostalgique et poétique. La même petite table est le seul élément récurrent du décor, il y a juste cette lumière douce qui touche avec grâce les corps des femmes. Les vrais tirages en plus sont véritablement superbes.

Discrètes apparences, Jean-Marie Francius

[See image gallery at www.co-mag.net]

Toutes les photos de cette page : © Jean-Marie Francius.

Voir les photos de la série les Anges ou lire l’interview avec Jean-Marie Francius.

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